La coopération italienne a financé à Remhala, dans le Mont-Liban, une station d’épuration écologique des eaux usées. Basée sur les vertus filtrantes du bambou, cette station, qui a coûté 165 000 dollars, est unique en son genre au Liban.

De prime abord, Remhala, un village perdu sur la route du Mont-Liban reliant Souk el-Gharb à Aramoun, n’a rien de particulier. Pourtant, ce hameau où vit une vingtaine de familles en hiver (et une soixantaine en été) est en pointe pour au moins une chose : sa station d’épuration des eaux usées fondée sur les vertus assainissantes du bambou. En jargon scientifique, on appelle cette technique la phytoremédiation (du grec phyton “plante” ; du latin remedium “rétablissement de l’équilibre”). Le principe est connu depuis l’Antiquité, où l’on utilisait déjà les capacités de certaines plantes pour assainir les eaux usées. Mais ce n’est que très récemment, à partir des années 1990, que l’on a découvert les propriétés épuratrices du bambou qualifié de “plante miracle” par de nombreux experts. « Les bambous sont une alternative écologique aux stations d’épuration traditionnelles : grâce à eux, on ne produit aucun déchet – il n’y a pas de boue d’épuration ni d’odeurs nauséabondes – et les eaux traitées sont potentiellement réutilisables pour l’agriculture ou le jardinage », explique le président de la municipalité de Remhala, Michel Saad.
Inaugurée en 2010, cette station écologique a été développée avec l’aide de la coopération italienne. Elle est unique en son genre au Liban. L’investissement a été de 165 000 dollars. La municipalité a alloué 25 000 dollars à l’achat du terrain ; le reste a été apporté, sous la forme de dons, par la communauté internationale. « Cela comprend la construction de la station d’épuration elle-même, mais aussi le raccordement de l’ensemble du village à un système d’égout », précise Michel Saad, qui poursuit : «  La station de bambous ne demande pas de suivi particulier : au bout de deux ans, la performance de la plante diminue et il faut juste couper les vieilles tiges pour laisser les plus jeunes se développer. On n’a pas besoin de replanter : la plante se régénère par elle-même. » Seule ombre au tableau : la bambouseraie n’est pas en mesure de filtrer toutes les sources de pollution, en particulier les particules d’hydrocarbures. « Pour rendre l’eau consommable pour l’homme, il faudrait ajouter plusieurs étapes chimiques, trop compliquées et onéreuses pour un village comme le nôtre. »

Comment ça marche ?

Les eaux usées du village de Remhala arrivent toutes à la station d’épuration à travers un réseau d’égout spécialement construit pour ce projet. Les eaux sont d’abord décantées dans un premier réservoir puis déversées dans la bambouseraie. Les racines des bambous, dans lesquelles vit une microfaune (vers, petits coquillages), filtrent les particules polluées des eaux rejetées, ces particules étant ensuite “absorbées” par la tige de la plante. Une fois assainies, les eaux se déversent lentement vers un dernier réservoir accessible aux agriculteurs pour arroser gratuitement leurs champs. « Pour l’heure, personne n’est venu s’y approvisionner, reconnaît cependant le président de la municipalité de Remhala, Michel Saad. Notre village bénéficiant de plusieurs sources souterraines et de l’apport de différentes rivières. De fait, l’eau est chez nous gratuite. » À défaut, l’eau retraitée est évacuée vers la rivière toute proche. Il n’y a pas de risque d’infiltration de substances nocives dans la terre, car les bambous ont été plantés sur une poche plastique étanche que l’on a ensuite recouverte de terreau et de cailloux. Cette technologie nécessite des surfaces suffisamment étendues pour accueillir une bambouseraie : il faut compter un hectare de terrain pour filtrer les eaux de 2 000 habitants.