Les guitaristes connaissent l’astuce : pour accorder leur instrument, il suffit de décrocher un téléphone. La tonalité que l’on entend est un “La”, pour régler la première corde. Les autres se font à l’oreille. Les novices, eux, préfèrent l’accordeur électronique pour toutes les cordes. Pas assez précis, pas assez rapide… Bassam Jalgha et Hassane Slaibi, 26 et 27 ans, ont inventé un nouvel outil combinant ces deux techniques, sans même avoir besoin de tourner les molettes. Un smartphone analyse les notes et donne des instructions à un appareil, qui accorde la guitare automatiquement. Cela paraît simple. Pourtant, ce nouvel accordeur est un vrai concentré de technologie. Il a fallu quatre années de recherches pour réaliser un prototype.
À l’origine, il y a Bassam Jalgha, un joueur de luth, un instrument particulièrement difficile à accorder. Jeune étudiant ingénieur, il envisage de réaliser « l’accordeur de mes rêves ». Mais la motivation lui manque : « Le Liban n’est pas un pays en pointe au niveau de la technologie. Je ne me voyais pas aboutir à quoi que ce soit ».
En 2009, c’est donc sans y croire vraiment qu’il s’inscrit à “Stars of science”, une compétition télévisée qatarienne. Et là, surprise, son projet retient l’attention du jury. Premier prix ! 300 000 dollars. De quoi financer des recherches en développement pendant deux ans. Fort de ce succès, il fait appel à son ami du lycée et complice musicien. Hassane Slaibi, flutiste, également ingénieur, spécialisé dans l’élaboration de logiciels.
« Nous voulions un produit qui facilite la vie des débutants, et s’adresse aussi aux guitaristes avertis, pas forcément férus de technologie », explique Bassam Jalgha. Après leur journée de travail, les deux jeunes diplômés repensent conjointement le système de reconnaissance sonore. Ils imaginent des algorithmes complexes. L’enjeu est de supprimer les bruits parasites pour que l’accordeur soit fiable partout, et pas seulement dans les lieux calmes. Une fois satisfaits de la version bêta du logiciel, ils quittent leur emploi pour monter une start-up. On est en 2012.
Ils trouvent du soutien financier et logistique auprès de l’incubateur chinois HAXLR8R. Les deux inventeurs s’installent quatre mois à Schenzen. « On se sentait vraiment au cœur du marché mondial de l’électronique. » En collaboration avec une entreprise locale, ils mettent au point huit prototypes successifs. Chacun d’entre eux vaut environ 400 dollars. Vient le moment de lancer la production. Sauf que les caisses sont vides.
D’où l’idée de recourir au financement participatif pour couvrir les coûts de production de départ, puis les frais d’approvisionnement et réduire les risques d’endettement. « Le crowdfunding a aussi l’avantage de promouvoir le produit et de prouver aux détaillants qu’il y a un marché. » La start-up libanaise demande 60 000 dollars. En une semaine, l’objectif est atteint. Un mois avant l’échéance, l’entreprise a quasiment récolté le double.
La fabrication devrait commencer en avril ; avec déjà 1 000 exemplaires sur le carnet de commande. Inutile de préciser que les usines seront chinoises, même si le siège de la start-up restera libanais.