Une manifestation symbolique des élèves du Lycée Abdel Kader (LAK) de Beyrouth et de leurs parents a eu lieu le 27 mars pour protester contre le projet de relocalisation vers la région de Choueifate de l’une des plus anciennes écoles francophones du pays en raison du projet de vente du terrain appartenant à l’un des héritiers de Rafic Hariri.
L’ancien premier ministre libanais avait acheté la parcelle dans les années 1980, en pleine guerre civile. Et c’est sa fille Hind qui en aurait hérité après son assassinat en 2005, selon des sources informées. La parcelle serait mise en vente à 160 millions de dollars, selon le quotidien Al Akhbar.

Jointe au téléphone, la Fondation Hariri n’a pas souhaité commenter l’information. C’est cette dernière qui codirige depuis 1985 l’établissement en partenariat avec l’Agence de l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) et la Mission laïque française (MLF). En février dernier, lors d’une réunion avec le proviseur de l’établissement et le comité des parents, Salwa Baassiri, la directrice de la Fondation, avait fait part d’un projet « à l’étude concernant la relocalisation de l’établissement, dans un délai maximal de cinq ans pour répondre aux besoins de modernisation de l’établissement ». Lors de la réunion avec les parents jeudi, elle n’a pas apporté d’autre précision.
Les motifs invoqués n’ont toutefois pas convaincu élèves et parents, qui protestent contre l’atteinte à un « symbole » et leur éloignement de la capitale. Ils cherchent ainsi à mobiliser sur les réseaux sociaux les défenseurs du patrimoine architectural de la capitale. « Il n’est peut-être pas question de démolir l’ensemble des bâtiments qui constituent l’établissement, notamment le « château » qui symbolise par excellence l’architecture traditionnelle libanaise, mais un éventuel projet commercial pourrait mener à la destruction des autres bâtisses de l’enceinte », précise le président du comité des parents du LAK, Hassan Ibrahim .

La relocalisation du Lycée Abdel Kader, si elle doit avoir lieu, ne constituera pas le premier déménagement d’un établissement francophone acquis par la famille Hariri. L’ancien premier ministre avait acheté l’école Carmel St Joseph à Verdun dans les années 1980 avant que celle-ci ne soit délocalisée hors de Beyrouth, selon des connaisseurs du secteur immobilier.

La relocalisation de l’établissement ne signifie pas un retrait de la convention, assure, par ailleurs, Jean Paul Negrel, coordonnateur délégué de l’AEFE à Beyrouth. « Il n’existe aucun lien entre l’emplacement géographique et le partenariat conclu avec l’agence ou encore l’homologation, décidée par le ministère français de l’Education ».

Fondé il y a plus d’un siècle par la Mission laïque française dans le quartier de Zoukak el-Blat, l’ancien « Lycée des jeunes filles » (par opposition au Lycée des garçons établi dans le quartier de Sodeco), accueille aujourd’hui près de 2.000 élèves de la maternelle à la terminale qui suivent le programme du baccalauréat français, en plus du programme libanais.
Durant la première moitié du XXe siècle, sa réputation régionale lui a valu d’attirer des élèves de Bagdad et de Palestine.
Menacé de fermeture à plusieurs reprises pendant la guerre de 1975-1990, l’établissement a été restauré et agrandi ensuite.
« Cet établissement, fondé en 1909, constitue un symbole pédagogique, culturel et architectural beyrouthin, et incarne les liens forts qui existent entre la France et le Liban (…) Sa relocalisation risque non seulement de démolir un des derniers réduits du patrimoine libanais et les souvenirs de plusieurs générations, mais aussi de porter atteinte à la francophonie au Liban », souligne le président du comité des parents.