L’armée libanaise n’a pas pu utiliser les hélicoptères américains Sikorsky pour éteindre l’incendie de Baabda, par manque de fonds pour assurer leur entretien.

Où étaient donc les hélicoptères Sikorsky de l’armée libanaise quand s’est déclaré l’incendie qui a ravagé des hectares de forêt dans les régions de Wadi Shahrour, Btechay, Baabda, Yarzé et Jamhour le 5 mai dernier ? Depuis juillet 2009, l’armée libanaise est dotée de trois hélicoptères Sikorsky S-61N, des appareils de fabrication américaine destinés à lutter contre les incendies, mais ils sont restés cloués au sol à défaut de financement pour les entretenir. L’histoire de ces appareils remonte aux incendies dévastateurs de l’été 2007, lorsque 4000 hectares sont partis en fumée (contre 1500 en moyenne chaque année). Le ministère de l’Intérieur décide alors de lancer une initiative nationale pour lutter contre les feux de forêt. En août 2008, il parraine la création de l’association « Feu vert », dont l’objectif est de fournir du matériel adéquat à l’armée libanaise.

L’association récolte rapidement 15 millions de dollars, provenant essentiellement d’un don personnel de Saad Hariri (8 millions de dollars), de l’Association des banques (3,9 millions de dollars), mais aussi d’hommes d’affaires et de différentes écoles et universités. Le modèle des Sikorsky est sélectionné en mars 2009 à l’issue d’un appel d’offres international réalisé par l’armée libanaise sous la supervision de l’organisme d’audit Bureau Veritas. « Les Sikorsky ont été considérés comme les mieux adaptés à la géographie libanaise, les Canadairs étant davantage recommandés pour de grandes surfaces planes, sans lignes de haute tension », explique au Commerce du Levant l’ancien ministre de l’Intérieur et des Municipalités Ziyad Baroud. Le 20 juin 2009, le Conseil des ministres approuve la donation en nature faite par Feu vert au ministère de la Défense. Un mois plus tard, les appareils sont livrés à l’armée de l’air libanaise plutôt qu’à la Défense civile, celle-ci ne disposant pas de pilotes civils. Quelque 14 millions de dollars servent à l’achat des hélicoptères, la formation d’une douzaine de pilotes pendant un mois en Grande Bretagne et le million restant doit couvrir les frais d’entretien pendant trois ans ainsi que l’approvisionnement en carburant.

Des appareils inutilisables faute de financements
Entre 2009 et 2012, les Sikorsky servent régulièrement à éteindre des incendies, mais aussi dans diverses opérations de sauvetage, comme celle qui a suivi le crash de l’Ethiopian Airlines au large de Beyrouth. A l’expiration de la durée de garantie des trois ans, les fonds destinés à la maintenance des hélicoptères sont épuisés, d’autant qu’une partie de la cagnotte réservée à l’entretien a été utilisée pour réparer l’un des appareils endommagé lors d’un accident. Malgré des demandes répétées de l’armée libanaise, la somme nécessaire à la maintenance n’a pas été débloquée par le ministère des Finances. Résultat, quand l’incendie s’est déclaré à Wadi Shahrour, les Sikorksky sont restés cloués au sol. « L’entretien de chaque hélicoptère revient en moyenne à 150 000 dollars par an, soit 450 000 dollars au total, ce qui n’est rien comparé au désastre écologique causé par l’incendie de la forêt de Baabda », estime Ziyad Baroud. Lors de l’incendie, ce sont plusieurs hélicoptères Bell, peu adaptés aux incendies, qui ont été mobilisés. Leurs réservoirs d’eau ne font que 700 litres, contre environ 4000 litres pour les Sikorksy. Ils ont une capacité nettement moins grande que les Sikorsky, qui peuvent transporter jusqu’à 30 personnes. Une issue pourrait cependant être rapidement trouvée, la Middle East Airlines ayant récemment effectué une donation de 300 000 dollars à l’Armée libanaise pour l’entretien des appareils. « Selon le commandant en chef de l’armée, les Sikorsky pourront être remis en service dans un mois », affirme Ziyad Baroud. Une nécessité absolue, alors que l’été 2014 s’annonce comme l’un des plus secs de la décennie.