Les vins du Liban se sont retrouvé le 5 mai à Berlin pour une journée de découverte et d’initiation, destinée au public allemand et européen.

Le 5 mai, la plupart des domaines vinicoles libanais se sont retrouvés à Berlin pour une journée dédiée aux vins du Liban à l’hôtel Ritz-Carlton, au cœur de la capitale allemande. « C’est la première fois que je goûte un vin libanais : je suis réellement surpris par sa qualité », assurait un blogueur allemand sur le stand d’Ixsir (Batroun).
Organisée par le ministère de l’Agriculture libanais, cette journée de découverte et d’initiation aux vins du Liban regroupait 33 caves cette année, contre 29 en 2013 lors de la première édition. Le but étant, comme le remarquait Jean-Paul Khoury de Château Khoury (Zahlé), « de les aider à accéder à l’un des premiers marchés européens »
L’enjeu est de taille. « L’Allemagne est un marché colossal dans lequel les vins du Liban sont encore sous-représentés », assure Zafer Chaoui, président de l’Union des vins du Liban (UVL) et de Château Ksara (Zahlé). Selon l’Office fédéral des statistiques, l’Allemagne représente 9 % de la consommation mondiale de vin. En 2010, elle était de 24,3 litres per capita, ce qui la place dans la moyenne européenne. Sur ses 82 millions d’habitants, 50 millions consomment du vin au moins une fois par an. Surtout l’Allemagne, qui n’est pas autosuffisante en matière de production, est le plus grand importateur de vin au monde avec 16,1 millions d’hectolitres importés (2011). La France et l’Italie en fournissent une large part (environ 15 % du marché chacune). Mais de petits pays peuvent aussi se faire une place au soleil. C’est le cas du Liban, même si aucun chiffre n’existe, l’exportation n’étant pas suffisante pour être référencée. « On compte jusqu’ici sur le “réflexe communautaire” ou sur “la case ethnique” : le vin libanais se consomme d’abord dans des restaurants libanais », fait valoir Joe-Assad Touma de Château Saint-Thomas (Kab Élias).
Tout l’enjeu de la journée du 5 mai était donc d’initier le public allemand aux vins du Liban. Avec environ 300 visiteurs, lors de cette journée berlinoise, une majorité de vignerons présents ont pu être satisfaits. « C’est un événement où nous venons tous collectivement défendre les couleurs des vins du Liban  », faisait valoir Émile Majdalani de Château Kefraya. « J’ai pu établir quelques contacts fructueux, dont certains se sont d’ores et déjà concrétisés, notamment avec les pays scandinaves », se réjouissait, quelques semaines plus tard, Sébastien Khoury, propriétaire du Domaine de Baal (Zahlé).
Certains cependant regrettaient un public moins nombreux que lors de la première édition en 2013 et, surtout, moins averti. « Beaucoup de restaurateurs “libanais”, qui vivent en Europe du Nord, sont venus lors de cette journée berlinoise découvrir les nouveautés d’un vignoble qu’ils connaissent, pour partie, déjà. C’est bien, mais nous espérions aussi davantage de professionnels – importateurs, agents, cavistes… – allemands et européens pour leur faire découvrir nos vins, encore très mal connus dans cette région », explique Jean Massoud, d’Atibaïa (Batroun).
Financée par le ministère de l’Agriculture, cette journée a coûté quelque 150 000 dollars, selon Neda Farah, d’Eventions, chargée de l’organisation de cette journée. Un montant qui s’explique, en partie, par la prise en charge des frais de déplacement des vignerons présents. À Berlin, le ministère annonçait sa volonté de réitérer l’événement en 2015. Certains annonçaient Shanghai (Chine) pour la prochaine édition ; d’autres voulaient croire que New York serait les prochaines destinations.

Trois questions à … Stéphane Derenoncourt, œnologue-conseil de Château Marsyas
« L’identité d’un vin repose d’abord sur son terroir »


De passage à Beyrouth où il présentait une dégustation de Château Marsyas, Stéphane Derenoncourt revient sur ce qui fait, selon lui, l’identité des vins du Liban.


À Berlin, il a beaucoup été question d’identité et de différenciation des vins du Liban face à la concurrence mondiale. Qu’est-ce qui les caractérise selon vous ?
L’identité d’un vin repose d’abord sur son terroir. Les vins libanais ont un air de famille avec les vins du Nouveau Monde, mais ils s’en distinguent assez vite. On retrouve chez eux un côté plus mûr, presque plus exotique, qui s’allie à une sensation de fraîcheur en bouche, auquel peu de vins du Nouveau Monde peuvent prétendre.

Comment cela s’explique-t-il ?
Cette fraîcheur et cette “salinité” sont liées au sol argilo-calcaire dans lequel grandit la vigne. Pour un Libanais, le calcaire est un élément presque banal de ses paysages familiers. Mais au niveau mondial, le calcaire est rarissime : il représente moins de 3 % des sols. Or, il figure parmi les terreaux les plus favorables à la vigne, qu’il force à creuser le sol en profondeur pour rechercher ses nutriments et qu’il oblige à se concentrer sur ses fruits.
Certains producteurs expérimentent des cépages locaux comme l’obeidi, un cépage blanc. Qu’en pensez-vous ?
Ces tentatives traduisent un questionnement nécessaire sur l’identité des vins libanais face à la concurrence mondiale. C’est une question essentielle. Mais je ne crois pas que la réponse passe par des cuvées 100 % obeidi, par exemple. Je ne suis pas opposé aux cépages locaux. En Turquie, où je travaille aussi, on a réussi à faire revivre des cépages indigènes qui désormais font partie intégrante de l’identité des vins de ce pays. C’est aussi le cas en Grèce. Mais dans le cas du Liban, je reste sceptique. Pour l’heure, l’obeidi reste – rappelons le – une variété de raisin de table, qui n’a pas, selon moi, les qualités requises pour faire un grand vin. Cela dit, il faudrait mener des recherches pour identifier les cépages locaux, définir leur ADN et analyser leurs potentiels. C’est sans doute l’un des chantiers urgents avec la création d’une ou de plusieurs appellations d’origine contrôlées, qui devraient permettre de garantir la provenance des vins et de mettre en avant les spécificités des vins du Liban.