La Banque centrale de Chypre a pris le contrôle de la Banque FBME détenue par des Libanais, au lendemain de son classement par le Trésor américain sur sa liste noire pour des liens présumés avec le Hezbollah et des activités de blanchiment d’argent.

« La Banque centrale de Chypre annonce qu’en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, [elle] a repris, à partir d'aujourd'hui, la gestion des activités de la succursale de FBME Bank Ltd à Chypre », indique la Banque centrale sur son site depuis le 18 juillet.

De son côté, la direction de la banque affirme avoir elle-même sollicité cette mesure pour se décharger des allégations « infondées» à son encontre. « Nous avons demandé aux autorités chypriotes de gérer notre banque pour qu’elles voient de leurs propres yeux qu'il n'y a rien de mal dans notre branche. Toutes ces allégations sont infondées », a ainsi déclaré Ayoub-Farid Saab, le PDG de la FBME, au quotidien anglophone Daily Star.

Le Trésor américain accuse la FBME de faciliter le financement du crime organisé transnational et celui du parti chiite libanais, qualifié d’organisation terroriste par les Etats-Unis.

Le rapport du Trésor, daté du 15 juillet, énumère un certain nombre de transactions suspectes et de violations des lois américaines en vigueur au cours de la dernière décennie, y compris la création par un client de la banque d’« un dépôt de centaines de milliers de dollars provenant d'un bailleur de fonds pour le Hezbollah ».

« La FBME a été impliquée dans pas moins de 4 500 virements suspects (…) totalisant 875 millions de dollars entre novembre 2006 et mars 2013 », ajoute le rapport américain.

Le Trésor a proposé l'application de la « Cinquième mesure spéciale » en vertu du US Patriot Act, qui empêche les institutions financières américaines de mener des transactions avec la banque sanctionnée.

La FBME a été créée à Chypre en 1982, en tant que filiale de la banque libanaise Federal Bank of Lebanon avant de s’en séparer et de devenir une entité indépendante en 1986, régie à partir de la Tanzanie.

La Federal Bank of Lebanon, détenue par les frères Ayoub-Farid Saab et Fadi Saab, n'est pas citée dans le rapport du département du Trésor américain.

Cette affaire qui concerne indirectement le secteur bancaire libanais intervient alors que la chambre des représentants américaine vient d’adopter un nouveau projet de loi, le « Hezbollah International Financing Prevention Act », ciblant le Hezbollah, sa chaîne télévisée, et l’ensemble des banques commerciales et centrales « engagées volontairement » avec le parti libanais.

Ce projet doit encore être approuvé par le Sénat pour entrer en vigueur, selon le régime bicamériste du système législatif américain.

Les États-Unis cherchent depuis un certain temps à resserrer l’étau autour du Hezbollah, impliqué dans les combats en Syrie auprès du régime de Bachar el-Assad et allié de Téhéran.

En juin dernier, le Trésor américain avait accusé quatre libanais et trois institutions d’entretenir un réseau de trafic de drogue de plusieurs millions de dollars, en vertu du « Foreign Narcotics Kingpin Designation Act ».

Deux ans plus tôt, la Lebanese Canadian Bank avait été accusée de blanchiment d’argent au profit du Hezbollah, ce qui avait provoqué sa dissolution et le versement l’an dernier d’un montant de 102 millions de dollars aux autorités américaines pour échapper aux poursuites judiciaires.

Face à cette pression, la Banque du Liban (BDL) a mis en place il y a deux ans une circulaire (no. 126), obligeant les banques locales à se conformer totalement aux lois et règlementations qui régissent leurs correspondants à l’étranger.