Quelle mouche a donc piqué le ministre des Finances qui se prend soudainement de vouloir appliquer la Constitution ? C’est la question que se posent un certain nombre d’acteurs de la classe politique libanaise, tous bords confondus, car sa volonté de rétablir un cadre légal pour les dépenses de l’État menace tout l’édifice institutionnel auquel ils sont habitués. La réponse est évidemment politique au sens politicien de ce terme : c’est le seul moyen pour que le Parlement retrouve un rôle sur la scène actuelle (la Chambre étant considérée comme le levier d’influence de son camp). Le légalisme n’est qu’un moyen, pas une conviction. Personne n’est dupe. Mais si la Constitution et la loi sont instrumentalisées, elles n’en restent pas moins la loi et la Constitution : la dépense publique n’est pas possible sans autorisation expresse des représentants du peuple. Le budget doit être voté par les députés et ces derniers doivent donner quitus au gouvernement de sa gestion passée avant de voter le budget de l’année suivante. C’est le fondement de la démocratie. Il n’est pas respecté depuis le début des années 1990. La justification selon laquelle l’État procède ainsi depuis des années n’en est pas une. Au contraire, c’est la preuve de la faillite totale des institutions libanaises qui n’ont de représentatives que la prétention. Les cyniques le savent bien. Ils veulent simplement qu’on trouve le moyen de perpétuer le système tant qu’ils sont en mesure d’y trouver leur intérêt.