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La bûche de Noël, une tradition qui se décline en multiples saveurs

Dessert emblématique du réveillon de Noël, la bûche pâtissière fait l’objet d’une concurrence acharnée entre les grands noms de la pâtisserie libanaise. Une compétition davantage basée sur le respect des codes traditionnels que sur la créativité débridée des chefs.

À l’instar de la galette des rois lors de l’Épiphanie, du kellage durant le mois du jeûne de la fête du Fitr ou de la hrissé consommée à la fin de Achoura, la bûche de Noël est une incontournable des tablées familiales célébrant la Nativité. « D’autant qu’à l’instar des cadeaux du père Noël, la bûche ne s’est jamais limitée à la seule clientèle chrétienne », se réjouit Habib Chaaraoui, directeur de Noura. Des pâtisseries de quartier aux traiteurs renommés en passant par les franchises de grands distributeurs, impossible, donc, de négliger ce produit-phare. Si pour une enseigne comme Pain d’Or il peut représenter 9 % des résultats réalisés par ses 18 points de vente en décembre, cette dimension stratégique est bien plus importante pour les pâtisseries artisanales interrogées. Les centaines ou milliers de bûches qu’elles vendent en quelques jours pèsent parfois plus des deux tiers des résultats du mois de décembre. Un mois par ailleurs crucial puisqu’il peut représenter jusqu’à un quart du chiffre d’affaires annuel.
Une performance notable pour un produit consommé pendant la seule semaine – voire le seul repas – du réveillon et qui s’avère en outre « particulièrement exigeant en termes de conservation et de stockage en grandes quantités », note Ziad el-Koussa, directeur des ventes du groupe Malco, propriétaire de Pain d’Or. Au laboratoire de Ladurée, deux à trois jours pleins sont consacrés aux différentes étapes (découpe du biscuit, conception des crèmes, moulage en gouttière, etc.) nécessaires au montage de chaque centaine de bûches. « Cela implique d’être très vigilant sur la stérilisation des produits frais et le respect de la chaîne du froid », précise son chef pâtissier, Mickaël de Monte. Une minutie qui se ressent au niveau des prix. Ils peuvent parfois varier du simple au double entre les grandes chaînes et les traiteurs et pâtissiers haut de gamme, principalement pour des raisons d’économie d’échelle, du choix des ingrédients ou d’image de marque. « Le marché libanais reste très sensible aux prix et même pour une enseigne de renom, il est difficile de répercuter entièrement l’augmentation continue du coût des matières premières », tempère toutefois Carine Chebli-Desplats, qui dirige la franchise Ladurée au Liban.

La tradition prime sur la modernité

Attentifs à la facture, les clients ne lésinent pas pour autant sur les quantités ou les apparats. « Si en Europe, les tailles pour quatre à six personnes sont les plus vendues, le nombre bien plus important de convives et le tempérament ostentatoire des Libanais les incite à commander des bûches pour 10-15 personnes, avec des parts généreuses et une signature bien visible », explique Lina Letayf, directrice de La Mie Dorée. Un penchant affirmé pour l’abondance marié à des goûts résolument conservateurs : « La tendance est clairement à la recherche d’authenticité au niveau des goûts et des présentations », observe Nayla Audi, fondatrice d’Oslo. Du coup, c’est la bûche traditionnelle avec son biscuit génoise roulé, sa crème au beurre et ses parts jointes latéralement au tronc pour évoquer des branches – une spécificité libanaise – qui demeure plébiscitée, en particulier dans sa déclinaison chocolatée ou aux marrons. Et gare à sacrifier sur l’autel de l’élégance, la farandole d’éléments de décorations, en meringue ou plastique, que les parents ne manqueront pas de réclamer pour faire plaisir à leurs chérubins !
« Au début, mes bûches étaient plutôt modernes, avec des textures novatrices comme des mousses ou des crèmes brûlées. Depuis une dizaine d’années, je ne propose presque plus que des bûches roulées traditionnelles avec simplement la volonté d’aller vers toujours plus de légèreté pour compenser le gigantisme des portions », confirme Colette Haddad, fondatrice de Cannelle. Si la plupart des professionnels proposent également certains modèles plus modernes, notamment pour séduire les jeunes adultes sans enfants, cela reste bien loin de la course effrénée à l’innovation à laquelle se livrent de grandes signatures de la pâtisserie française, rivalisant d’audace pour proposer, entre autres, des “bûches” déguisées en sapins, maisonnées ou boîtes d’allumettes… « Alors qu’on teste chaque année environ trois à cinq nouvelles recettes de gâteaux, nous n’avons pas introduit de nouveaux parfums de bûche depuis quatre ans », explique Habib Chaaraoui. Quant à la bûche glacée, de plus en plus prisée en Europe, seules quelques maisons, hormis les glaciers spécialisés, en proposent sur commande. Les principales innovations se situent alors dans les formats, « nous proposons désormais des mini-bûches de 13 cm pour permettre de varier les plaisirs et cela rencontre de plus en plus de succès », constate par exemple Colette Haddad. D’autres essayent de lancer de nouvelles tendances comme La Mie Dorée qui a développé une offre de produits emblématiques du Noël alsacien ou Néo Gourmet qui mise de plus en plus sur les gâteaux de pain d’épices, séduisant les enfants par leur aspect ludique et les pâtissiers car consommés sur l’ensemble du mois de décembre.
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