Choisir des mots de passe forts à caractères multiples, les changer régulièrement et les varier selon les services… élémentaires, ces précautions restent ignorées par la plupart des usagers. Ils exposent ainsi leurs données et celles de leurs employeurs aux convoitises des flibustiers du cyberespace (voir Le Commerce du Levant n° 5650). Dès lors, pourquoi ne pas protéger les entreprises des risques de fuite en simplifiant la vie de leurs salariés ? C’est l’objectif affiché par Ki, un projet d’application mobile qui prétend concilier commodité et sécurité dans la gestion des mots de passe : « Ils sont centralisés et régulièrement changés par l’appli qui les rentre dans les formulaires de connexion à la place de l’utilisateur dès que le smartphone est à proximité du terminal et se déconnecte lorsqu’il s’en éloigne. Cela évite tous les risques liés aux enregistreurs de frappe. Les formulaires de hameçonnage sont également rejetés par l’application. L’ensemble des comptes est géré par le responsable informatique de la société qui peut les désactiver en cas de perte du smartphone ou de départ d’un employé », explique son concepteur Antoine Gebara. Une idée qui a notamment séduit le jury de l’étape libanaise du Seedstars World et lui permet d’espérer décrocher, avec son associée Priscilla Elora Sharuk, les 500 000 dollars promis au vainqueur de la finale en février (voir Le Commerce du Levant
n° 5659). Un parcours difficile à imaginer il y a deux ans, lorsque la jeune architecte demande à son ami étudiant en ingénierie informatique et hacker amateur, de créer un outil entrant automatiquement les identifiants Skype de sa grand-mère… Quelques discussions plus tard et le concept d’un outil gérant l’ensemble des mots de passe prend corps : tandis qu’Antoine affine le projet, Priscilla en assure le design et la promotion.
Créée avec une mise initiale dérisoire, leur affaire se complique néanmoins au fur et à mesure qu’ils enchaînent les “pitchs” avec des investisseurs potentiels. Côté pile, le concept général fait souvent mouche et permet notamment de glaner quelques bonus non négligeables pour une jeune pousse dans le besoin : « On a pu gagner plusieurs voyages professionnels, des mois d’hébergement dans un espace de travail collaboratif et bénéficié du soutien de professionnels comme Abdallah Jabbour, le directeur général du réseau de mentorat Lebanon for Entrepreneurs qui nous conseille régulièrement sur le plan stratégique et financier », résume Antoine Gebara. Côté face, ces rencontres avec les professionnels aboutissent presque toujours à des revirements stratégiques. Ils ont ainsi recentré leur idée sur l’aspect sécuritaire plutôt qu’utilitaire, changé de cible en passant des particuliers aux PME, voire à leurs sous-traitants et finalement abandonné temporairement la piste d’un appareil sécurisé au profit de l’application. « Après quelques estimations, on s’est rendu compte qu’il aurait fallu investir plus d’un million de dollars pour faire fabriquer le premier lot en Chine, ce qui s’avérait très difficile à rentabiliser », justifie Priscilla Elora Sharuk.
Prochaine étape, prévue dès la fin janvier, faire tester leur version bêta auprès d’une dizaine de sociétés de services informatiques avant de s’étendre progressivement à d’autres secteurs avec une stratégie en deux axes : une cible limitée aux seules PME et une rémunération par abonnement (progressive selon la taille de la société). Ce nouveau modèle de revenus semble renforcer l’attractivité de la jeune pousse dont les fondateurs examinent plusieurs offres d’investissement en capital d’amorçage des États-Unis, d’Europe et du Liban.