Les marchés vus par Christopher Dembik, économiste à la Saxo Bank.

Quels sont les principaux objectifs du Partenariat transpacifique (TPP) conclu le 5 octobre par 12 pays, dont le Japon et les États-Unis, mais hors Chine, une zone qui représente 40 % de l’économie mondiale ?
Depuis la crise de 2008, la croissance du commerce mondial est relativement lente, comparée aux autres périodes de reprise, ce qui attise les préoccupations quant à un prolongement du ralentissement, voire d’une nouvelle récession. Le TPP pourrait donc aider à inverser cette tendance, en boostant les exportations, la croissance économique ainsi que l’emploi en Amérique latine et en Asie. Les États-Unis prévoient que l’accord augmente de 223 milliards de dollars par an les revenus des travailleurs dans les 12 pays concernés. Mais ces pronostics sont très optimistes. L’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), signé en 1994 entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, a abouti à une meilleure productivité du travail (+170 % pour les États-Unis et +76 % pour le Mexique, entre 1994 et 2011), une croissance plus forte et plus d’emplois au Mexique, mais à une augmentation de 16 % seulement de la rémunération horaire réelle des travailleurs américains entre 1994 et 2011.
D’un point de vue purement économique, les États-Unis bénéficieront moins que d’autres pays, à l’instar du Japon, mais le gain est politique et de long terme : contrer l’influence chinoise et intervenir dans le commerce et les différends territoriaux d’une zone riche en pétrole.

Où faut-il désormais investir après cet accord ?
Le secteur automobile fait partie des secteurs qui présentent le plus grand potentiel à moyen terme. Nous surpondérons, en particulier, les valeurs automobiles japonaises, notamment celles des compagnies Toyota et Honda. Celles-ci vont bénéficier de l’abaissement des droits de douane sur le marché américain, qui représente leur principal marché à l’export. L’accord pourrait d’ailleurs conduire les constructeurs japonais à porter de 40 à 50 % leur part de marché sur le segment des véhicules particuliers aux États-Unis.
Cela risque toutefois de se produire au détriment des constructeurs nord-américains, qui devront compter sur un ancrage plus important en Asie, particulièrement en Chine – au cas où cette dernière se rallie ultérieurement au traité – pour compenser le recul prévisible des ventes sur leur marché domestique. Le secteur automobile nord-américain reste toutefois solide : c’est l’une des rares industries à afficher à la fois des gains de productivité et un investissement en hausse.

Qu’en est-il des autres secteurs ?
L’autre gagnant de l’accord est le secteur agricole, notamment aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Il va bénéficier de l’abolition des taxes à l’importation, qui culminent jusqu’à 35 % pour le soja et 40 % pour les produits avicoles en provenance des États-Unis. Grâce au TPP, l’industrie avicole devrait ainsi accroître sa rentabilité sur ses principaux marchés à l’export : le Mexique, le Canada, le Taïwan et la Corée du Sud. Dans cette optique, nous surpondérons les valeurs agroalimentaires nord-américaines, en particulier celles des sociétés Kraft Foods et Cargill Inc., qui devraient voir leurs profits substantiellement augmenter dans les années à venir, en dépit des incertitudes sur la conjoncture économique mondiale.

Y a-t-il des industries qui seront négativement impactées par l’accord ?
Oui quelques-unes, à l’instar de l’industrie pharmaceutique qui sera, sans doute, affectée par l’abaissement à huit ans contre douze ans précédemment de la protection des nouvelles découvertes au sein des entreprises américaines. Certes, l’impact ne se fera pas sentir à court ni à moyen terme – des marges confortables seront même possibles à réaliser durant la prochaine période – mais à plus long terme, une refonte de la stratégie s’impose afin de contrer la concurrence des fabricants de génériques.
Par ailleurs, nous comptons réduire notre exposition à l’industrie du tabac en raison des dispositions antitabac incluses dans l’accord qui vont limiter la capacité des producteurs à engager des poursuites judiciaires contre les États cherchant à limiter la consommation de tabac. Jusqu’à présent, les grandes compagnies pouvaient compter sur leurs importantes ressources financières afin de faire traîner en longueur les procédures judiciaires à l’encontre des petits États. Cela ne sera plus le cas avec le TPP.