Le mot “résilience” est entré dans le vocabulaire des Libanais il y a plusieurs années pour désigner la capacité du pays à résister à toutes les crises – blocages institutionnels, attentats, violences, guerres, krachs financiers internationaux.
En réalité, il s’est surtout agi de louer la résilience du système financier libanais qui a su s’adapter à tous les aléas en remplissant sa mission principale : capter une bonne partie de l’épargne des Libanais expatriés pour la réallouer au financement de la dette publique, d’une part, et de l’économie domestique, de l’autre, toujours plus endettée elle aussi. Une interprétation restrictive de ce mot qui est à l’image de l’aveuglement collectif à l’égard du coût majeur de ce circuit, aussi efficace soit-il, en termes d’affaiblissement de la compétitivité de l’économie, de distorsions provoquées par les effets de rentes, de chômage, etc. Le système absorbe les chocs, certes, mais les lésions se multiplient sous la peau.

Le problème aujourd’hui est de savoir si les tissus vont tenir sous le coup d’un choc d’une autre nature, celui de la baisse des cours du brut. La hausse des dépôts bancaires libanais et la croissance du PIB sont parfaitement corrélées sur une longue période avec le prix du pétrole. À court terme, il est possible de s’accommoder d’un baril au plus bas. Mais qu’adviendrait-il si le seuil des 30 dollars était durablement enfoncé ? Sans compter que l’usage de l’arme économique a jusque-là été épargné au Liban dans le bras de fer régional que se livrent l’Arabie saoudite et l’Iran. Or des menaces voilées commencent à filtrer dans la presse à ce sujet. Ajoutons à ce paysage, les pressions accrues exercées sur le modèle fiscal libanais par la communauté internationale, et cela donne une météo assez nuageuse pour les prochains mois.