L’administration fiscale peut-elle poursuivre les associés dans une SARL sur leurs biens personnels en recouvrement des impôts de la société ?

Le problème – Monsieur R. est associé dans une société à responsabilité limitée (SARL) dans laquelle il détient 20 % des parts. Il a appris que l’administration fiscale poursuit la société en justice en recouvrement de l’impôt sur le revenu, impayé durant les quatre dernières années. La créance fiscale s’élève à
150 000 dollars avec les pénalités de retard. Il aimerait savoir s’il risque d’être poursuivi sur ses biens personnels au cas où la société, qui connaît actuellement des problèmes de liquidités, ne parvient pas à payer cette somme.
Le conseil de l’avocat – En principe, concernant les sociétés de capitaux comme les SAL et les SARL, la responsabilité de la société est dissociée d’un point de vue juridique de celle des actionnaires ou des associés. Les créanciers de la société ne peuvent donc poursuivre celle-ci que dans les limites de son capital social. Toutefois, cette règle de la séparation des patrimoines connaît une exception relativement à l’administration fiscale. En effet, l’article 21 du code des procédures fiscales établit un régime de solidarité des dirigeants sociaux avec la société en cas d’inobservation intentionnelle* des obligations fiscales. Toutefois, l’administration ne peut poursuivre personnellement les dirigeants de la société (notamment le président du conseil d’administration et le directeur général dans une SAL et le gérant d’une SARL), sans avoir préalablement procédé à toutes les démarches administratives normales nécessaires au recouvrement de l’impôt. De plus, les dirigeants ne peuvent être poursuivis sur leurs biens personnels que dans le cas où la société serait insolvable. Ainsi, dans le cas où l’administration fiscale se trouve dans l’impossibilité de recouvrer l’impôt par les voies normales à l’encontre de la société, une décision du directeur général du ministère des Finances permettra de procéder à une exécution forcée contre celle-ci. Or, s’il apparaît au cours de l’exécution forcée que la société ne possède pas suffisamment de biens pouvant être saisis à cette fin, l’administration peut intenter une action en justice (par l’intermédiaire du service du contentieux de l’État) contre les dirigeants susmentionnés de la société, conjointement et solidairement avec la société, en recouvrement de la créance fiscale. L’administration ne pourra toutefois procéder au recouvrement forcé contre les biens personnels des dirigeants qu’après un jugement rendu par le tribunal compétent dans ce sens (article 21 du code des procédures fiscales et article 19 du décret d’application no 2488/2009). Dans le cas présent, Monsieur R. ne doit pas s’inquiéter d’être poursuivi sur son patrimoine personnel, n’étant pas le gérant de la SARL, mais un simple associé. En principe et dans pareils cas dans d’autres législations, il en serait différemment si l’administration fiscale parvenait à prouver que l’associé est un dirigeant de fait de la société, c’est-à-dire qu’il participe effectivement aux prises de décision au sein de la société et d’une manière prépondérante. Or, au Liban et en raison du caractère récent du texte de loi, la jurisprudence est encore inexistante sur la question. Force est néanmoins de préciser que les dispositions des lois fiscales doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive.

* L’inobservation intentionnelle des obligations fiscales est définie par l’article 18 du D-L no 2488/2009 (décret d’application du code des procédures fiscales) comme incluant les cas suivants : la non-déduction par voie de retenue à la source de l’impôt exigible assortie du non-règlement au Trésor, la déduction par voie de retenue à la source de l’impôt exigible assortie du non-règlement au Trésor, la présentation des déclarations fiscales sans règlement de l’impôt exigible, le défaut de présentation de la déclaration assortie du non-paiement, l’émission de faux documents ayant entraîné une évasion fiscale et, enfin, le cas de non-règlement des montants exigibles résultant des impositions et redressements fiscaux.
Nous remercions Me Karim Daher pour sa contribution à cette réponse.
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