Des bouleversements géopolitiques régionaux, à la perspective d’un redécoupage des frontières du Moyen-Orient, en passant par la chute des cours du brut et ses conséquences majeures sur les économies du Golfe, jusqu’à l’impact des réfugiés syriens sur la démographie libanaise, sans oublier l’impasse du système institutionnel né de l’après-guerre... le Liban passe sans aucun doute par une phase cruciale de son histoire. Du sens de ces évolutions dépendra l’avenir politique, économique et social du pays. Une évidence aussi flagrante que l’absence de débat public sur tous ces sujets. Comme si les Libanais n’avaient pas leur mot à dire et qu’ils devaient simplement attendre que l’extérieur décide à leur place de leur sort. Il en est de même pour un autre facteur structurel de l’économie libanaise : le secret bancaire. Adopté en 1956 et considéré depuis comme la pierre angulaire du système financier, il est aujourd’hui sérieusement menacé de disparition, à l’instar du secret bancaire suisse, tombé sous les coups de boutoir de la nouvelle politique occidentale de lutte conte l’évasion fiscale et le blanchiment. Un temps persuadé de pouvoir passer entre les gouttes, le Liban est désormais rattrapé par cette vague puissante. Étrangement toutefois, après s’être gargarisée pendant des décennies de cette comparaison – exagérée et facile –, la Suisse du Moyen-Orient fait semblant de ne pas être concerné par ce chamboulement. L’appréhension des enjeux de la fin éventuelle du secret bancaire reste limitée au cercle restreint de quelques stratégistes bancaires ou conseillers de grandes fortunes. Le défi est pourtant national. Il s’agit, comme pour toutes les autres grandes questions qui vont modeler l’avenir du pays dans les prochaines décennies, de choisir dans quel type de société les Libanais veulent vivre. Car qu’on y soit favorable ou non, la fin du secret bancaire suppose forcément de réévaluer les fondements du système bancaire libanais et sa fonction dans l’économie : sachant que le bilan consolidé du secteur représente près de trois fois et demie le PIB libanais.