Quotidiens et journaux télévisés en ont rendu compte à grand bruit : un “accord” aurait été conclu entre le chef du Courant patriotique libre et ancien ministre de l’Énergie, Gebran Bassil, et le président du Parlement, Nabih Berry, sur la question du gaz offshore. La nouvelle est annoncée à la façon d’un crieur public du Moyen Âge informant le bon peuple des décisions du souverain. Quelle que soit la teneur de l’accord en question – dont on ignore tout et sur lequel les protagonistes seraient déjà peut-être revenus –, ce mode de communication témoigne de l’archaïsme du système politique libanais. Circulez, il n’y a rien à voir, disent en substance aux Libanais ceux qui sont censés les gouverner. Ce n’est pas nouveau bien entendu. L’opacité règne sur tous les dossiers censés être l’objet de discussions en Conseil des ministres. Les appels à la transparence sur telle ou telle affaire finissent toujours par buter sur un mur inébranlable. La situation est grave en soi. Tout le monde s’accommode désormais pleinement du régime autocratique de fait instauré par l’annulation des élections et la prolongation du mandat d’un Parlement dysfonctionnel. Malgré l’énorme tollé suscité par la crise des déchets, la façon dont le dossier est géré aujourd’hui est pire encore qu’avant la mobilisation citoyenne. Sur la question du gaz offshore, on atteint une autre dimension : accepter de fermer les yeux sur les choix politiques faits aujourd’hui engage les Libanais pour les générations à venir ; et pas seulement ceux qui, pour sortir ponctuellement la tête de l’eau, mettent conjoncturellement tous leurs espoirs dans un “package deal global” mêlant la présidentielle au gaz, en passant par le budget et autres sujets cruciaux traités comme de simples cartes de marchandage. Pour mémoire, Israël dont le Liban n’a cessé de jalouser la célérité sur le dossier du gaz offshore a tout suspendu pendant des mois et des mois, pour justement laisser libre cours au débat public concernant des enjeux déterminants pour le pays. Mais la “classe politique” libanaise n’est pas seule responsable : pour avoir un tel débat, il faut un public qui le demande.