Comment les pays du Golfe s’adaptent-ils au nouvel environnement pétrolier ?
Malgré la remontée récente des prix du pétrole, de nombreux pays du Golfe doivent prendre des mesures d’économie dans le but de réduire leur déficit budgétaire. Les gouvernements sont toutefois vigilants et ne souhaitent pas accentuer le ralentissement économique et le transformer en environnement récessif. Ils souhaitent aussi éviter tout mécontentement social. Enfin, de nombreux projets d’investissements ont été lancés afin de faire face à la pression démographique, mais aussi pour diversifier davantage leurs économies. Ils devront être menés à terme. Si les pays les plus riches de la région à l’instar de l’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis ont choisi de laisser filer partiellement leurs déficits budgétaires, ils disposent de plusieurs options pour en assurer le financement. Ils peuvent avoir recours aux marchés financiers en levant de la dette, leur capacité d’endettement étant intacte. Ils peuvent aussi puiser dans les réserves accumulées au cours des années fastes, qui sont placées dans les fonds souverains ou encore procéder à des privatisations. Les gouvernements n’hésitent pas à utiliser tous ces leviers aujourd’hui.

Que pensez-vous de la stratégie de Mohammad ben Salmane, le vice-prince héritier saoudien, qui veut développer l’Arabie saoudite ?
Le nouvel homme fort du royaume veut réformer vite et il n’hésite pas à le dire publiquement. Il profite d’un environnement délicat dans le royaume, le pays étant à la fois engagé dans une coalition militaire au Yémen et pénalisé par la chute des prix de l’énergie, pour annoncer de nombreuses réformes et prendre des initiatives. Les subventions sur l’eau et l’électricité ont ainsi été fortement réduites. Il souhaite ainsi développer le segment du tourisme religieux en augmentant les capacités d’accueil des pèlerins en les portant de 8 à 30 millions par an. Une autre priorité est de développer et de moderniser le commerce de détail avec l’ambition de créer un million d’emplois. Mohammad ben Salmane souhaite aussi favoriser les privatisations avec une opération phare qui est la mise sur le marché de Saudi Aramco. Le mastodonte saoudien devrait représenter, une fois coté en Bourse, la plus grande capitalisation boursière au monde. Ce programme de privatisation est non seulement destiné à réaliser des recettes budgétaires en ces temps difficiles, mais aussi à améliorer la gouvernance et réduire la corruption, un point sur lequel insiste le vice-prince héritier. Le royaume a aussi l’ambition de se doter du fonds souverain le plus important du monde. Le PIF (Public Investment Fund) va ainsi voir ses actifs progresser de 160 à 2 000 milliards de dollars, ce qui représentera plus du double du fonds norvégien, actuellement le plus grand au monde.

Quelle allocation d’actifs préconisez-vous dans la région ?
Malgré la reprise récente des prix du pétrole, la prudence reste de mise. Les portefeuilles régionaux devraient être investis majoritairement en obligations gouvernementales ou dans des émetteurs privés qui bénéficient d’un soutien implicite ou explicite du gouvernement. Certains secteurs très cycliques comme la construction, la promotion immobilière ou les services pétroliers devraient être évités. La remontée attendue des taux d’intérêt aux États-Unis dans la seconde partie de l’année ne devrait pas avoir d’impact significatif sur le prix des obligations. Notre approche prudente sur les actions se justifie par le manque de visibilité au sein des économies du Golfe et la politique de consolidation fiscale en cours qui devrait avoir un impact défavorable sur la consommation et l’investissement. Dans cet environnement, la masse bénéficiaire des entreprises cotées pourrait baisser en 2016 et en tenant compte de niveaux de valorisation qui, sans être chers, ne sont pas attrayants, il est préférable de sous-pondérer les actions et d’avoir une approche très “stock picking” pour constituer son portefeuille. Les titres devront être des “Blue chips” du marché qui offrent un solide modèle économique avec une forte visibilité sur les cash-flows et un rendement attractif. La prudence étant de mise, une poche de liquidité devra aussi être maintenue, ce qui permettra de profiter des taux attractifs que proposent les banques. Un portefeuille défensif devrait ainsi être investi à hauteur de 70 % en obligations, 20 % en dépôts rémunérés et 10 % en actions. Un portefeuille équilibré pourrait être investi à hauteur de 60 % en obligations, 20 % en dépôts rémunérés et 20 % en actions.