En dépit des difficultés économiques dans un pays instable et secoué par la violence, le Mouvement des entreprises et des représentations économiques françaises (Meref) conviait le 23 septembre des entrepreneurs libanais à une table ronde sur les opportunités du marché irakien.

Le portrait économique de l’Irak n’incite pas à l’optimisme. Une croissance nulle en 2015, un déficit public de 35 milliards de dollars prévu pour 2016 (15 % du PIB), un déficit de la balance courante de 11 % attendu pour la même année. Le tout motivé par l’effondrement du prix du baril de pétrole – dans un pays où 83 % des revenus de l’État reposent sur l’or noir – passé sous la barre des 50 dollars alors qu’il s’achetait encore au double il y a trois ans. Et ce n’est pas l’augmentation de la production – 4,2 millions de barils du brut par jour prévus pour 2016 contre 3,5 millions en 2015 – qui devrait permettre à l’économie de sortir du marasme. Ajoutons à cela des conditions sécuritaires désastreuses marquées par les violences confessionnelles (18 000 morts civiles en 2015), des pans entiers du territoire – dont la deuxième ville du pays Mossoul – toujours aux mains des jihadistes de l’État islamique (EI) et l’Irak aurait de quoi faire fuir tout investisseur. Pourtant, le 23 septembre, le Mouvement des entreprises et des représentations économiques françaises (Meref) réunissait au siège de l’École supérieure des affaires (ESA) plusieurs acteurs économiques autour d’une table ronde baptisée “Les opportunités du marché irakien à partir du Liban à la croisée des chemins”. Un message d’espoir sur un tableau où tous les indicateurs sont au rouge. « Il s’agit de changer le point de vue, l’Irak est un potentiel », affirme Chakib Chéhab, PDG du groupe Malia implanté dans le pays depuis 1968. « C’est un marché de 34 millions de consommateurs, certes avec un pouvoir d’achat très faible, mais il y a plus de 500 opportunités d’investissements », expose-t-il. Si les intervenants reconnaissent devoir quotidiennement composer avec une série d’obstacles (société gangrénée par la corruption, culture de l’engagement oral, règne des paiements en liquide, difficulté d’accès à la propriété foncière, mélange de lois récentes difficilement appliquées et d’autres héritées de l’administration américaine en 2003), tous retiennent qu’il est encore possible d’y faire des affaires. Chakib Chéhab cite par exemple les besoins criants de l’industrie du bâtiment ou ceux du réseau de distribution commerciale.

« Des opportunités partout »

Avec une législation favorable (exonération de taxes et des droits de douane pour l’investissement, rapatriement des capitaux) et des conditions de sécurité renforcées, la région autonome du Kurdistan a gagné depuis une décennie la faveur des investisseurs. Malia y a établi le premier hôtel cinq étoiles à Erbil et prévoit d’ouvrir prochainement un complexe avec restaurants et cinémas pour les 18 000 étudiants du campus de l’université de Souleymanié, la deuxième ville du Kurdistan irakien. Mais depuis 2014, la province du nord n’échappe pas à la crise (baisse du prix du baril de pétrole, lutte contre l’EI, prise en charge de plus d’un million de déplacés et réfugiés). Ce qui incite les entrepreneurs à regarder ailleurs. « Il ne faut pas oublier les villes saintes de Kerbala et Najaf, qui attirent des milliers de pèlerins », avance par exemple Julien Féghali, soulignant « une sécurité bien meilleure qu’à Bagdad ». Le directeur régional de Zantrak, distributeur exclusif des pneus Bridgestone en Irak, a doublé son chiffre d’affaires dans le pays depuis 2012. Il met en avant sa stratégie tournée vers les autres gouvernorats du pays et l’ouverture de bureaux locaux. « Le marché irakien n’est plus le même qu’à l’époque de Saddam Hussein, il est très décentralisé. Bagdad est devenu une plate-forme de distribution pour le reste du pays.
(…) Les opportunités sont partout : dans l’éducation, les hôpitaux, les infrastructures publiques, l’industrie, les commerces », explique-t-il, saluant le travail de « la commission de l’investissement irakienne qui donne des facilités pour de grands projets ». Même optimisme pour le directeur exécutif de l’IBL Bank, Samir Tawilé, bon connaisseur du pays depuis la fin des années 1990. « Aujourd’hui dix des plus importantes banques libanaises sont implantées en Irak, à Erbil et Souleymanié, mais aussi à Bagdad et Bassora. » L’homme était là au lendemain de la chute de Saddam Hussein en 2003. Il a vu « les Libanais participer à la reconstruction du pays ». Il veut désormais croire qu’ils « auront un grand rôle à jouer dans le nouvel Irak ». Les coûts de la reconstruction sont estimés à plus de 600 milliards de dollars.