En mars 2017, Jihad Azour prend ses fonctions à la tête du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI). Une décision annoncée le 1er décembre par la directrice générale du Fonds. « Alliant une profonde acuité analytique à une capacité éprouvée de rassemblement dans un esprit fédérateur et constructif, il (Jihad Azour) aidera le FMI à contribuer de manière efficace et pragmatique à la gestion des grands dossiers actuels de la région », a salué Christine Lagarde. Titulaire d’un doctorat en finance internationale et d’un DEA en économie et finance internationales de l’Institut d’études politiques de Paris, Jihad Azour a souvent croisé la route du FMI dans sa carrière. En plus d’avoir été membre du Groupe consultatif de l’instance pour le Moyen-Orient, le Franco-Libanais a été amené à travailler en étroite collaboration avec le Fonds dans le cadre de ses fonctions entre 2005 et 2008 quand il était ministre des Finances. Dans ses bureaux de Bab Idriss, celui qui est encore associé directeur du cabinet de conseil et d’investissement Inventis Partners prépare sa transition. Il planche sur les axes qui guideront son contrat de trois ans – reconductible – et peaufine le plan stratégique qu’il présentera à l’instance avant son entrée en poste.

Comment le choix du FMI s’est-il porté sur vous ?
Ce recrutement est le fruit d’une sélection internationale dont le processus est long et structuré. ll ne s’agit pas d’une nomination qui répond à des critères de géographie ou de nationalité. Mon prédécesseur Masood Ahmad est pakistanais, mais un Français a par exemple déjà occupé ce poste. Ma connaissance de la région a certainement joué. Je l’ai acquise à travers mon expérience dans le conseil auprès de divers gouvernements. Mon parcours comporte aussi une expérience des réformes et la gestion de situations fiscales et financières difficiles. À l’époque où j’étais ministre des Finances du Liban, j’ai été amené à travailler en collaboration avec le FMI. En 2007, après la guerre contre Israël, le Fonds était au centre de toutes les négociations dans le cadre de la conférence de Paris III. Cette expérience m’a permis d’avoir une bonne compréhension du fonctionnement du Fonds et me permet aussi d’avoir des idées sur ce qui pourrait être amélioré. Je suis en train de rassembler différentes propositions que je présenterai dans mon plan stratégique pour mon mandat de trois ans. Pour l’heure, je suis tenu à des règles de communications strictes, car je ne suis pas encore en poste.

Quels sont les principaux défis qui vous attendent ?
Le FMI est l’institution qui est en charge des questions économiques et monétaires du monde, et la région passe par des défis de grande ampleur. Beaucoup de pays sont affectés par la baisse rapide et radicale du prix du baril. Il faudra mener des réformes. Elles ne concernent pas que les pays du Golfe, mais aussi certains États d’Afrique du Nord et d’Asie centrale, la région dont j’aurai la responsabilité étant très étendue. Cette région est aussi marquée par une instabilité politique et sécuritaire, qui a des répercussions financières et économiques importantes. Il faudra aussi s’interroger sur la gestion de situations très difficiles comme la crise des réfugiés syriens. Enfin dix programmes d’ajustement structurel du FMI sont en cours dans la région, il faudra les suivre de près. Tous ces défis rendent ma mission très intéressante.

Comment le FMI peut-il accompagner les différents pays concernés ?
Il y a souvent une confusion dans l’esprit des gens concernant le rôle du FMI. Le Fonds n’est pas la Banque mondiale qui finance des projets de développement. Le FMI intervient plutôt au niveau de la définition des politiques macroéconomiques. Sa mission principale est de définir les enjeux et les défis qui se posent à chaque membre, et de donner des recommandations de politique économique. C’est aussi l’institution qui réfléchit aux grandes réformes fiscales, monétaires, financières. Et lorsqu’elle contribue au financement d’un grand programme de transformation ou de sauvetage économique, comme ce fut le cas récemment avec l’Égypte ou l’Irak, son rôle est celui d’un catalyseur : le Fonds est celui qui orchestre toutes ces réformes et amène avec lui les bailleurs de fonds chargés de les financer.

Votre direction couvre un ensemble très vaste de 32 pays. Peut-on discerner des marqueurs communs ?
Il y a c’est vrai une grande diversité dans cet ensemble. Deux grandes régions sont regroupées sous la même tutelle : le Moyen-Orient et l’Asie centrale. Cela ne veut pas dire qu’elles sont traitées de la même façon. Mais il y a bien entendu des enjeux communs qui justifient un regard transversal : la question pétrolière, le financement des déficits, l’inclusion économique, la réforme des marchés financiers ou encore la lutte contre le blanchiment.

Dates-clés

Né en 1966 
2005-2008 : ministre des Finances du Liban.
2007 : récompensé avec son administration par le prix des Nations unies pour le service public (catégorie “amélioration des services dispensés”).
2006-2008 : préside le groupe ministériel G8 – Moyen-Orient-Afrique du Nord (MOAN), qui regroupe les ministres des Finances et les gouverneurs des Banques centrales.
2009 :  membre du groupe consultatif du Moyen-Orient pour le Fonds monétaire international (MEAG).
2009-2013 : vice-président-conseiller exécutif principal du cabinet de conseil en stratégie Booz & Company.
Depuis 2013 : associé directeur du cabinet de conseil et d’investissement Inventis Partners.