Cela fait deux ans et demi maintenant que le domaine de Taanayel (Békaa), propriété des pères jésuites gérée par l’association Arcenciel, travaille à sa reconversion écologique.
Nourrir de manière responsable en même temps qu’activer le territoire : voilà les maîtres mots d’un “projet pilote”, financé par l’Union européenne, à hauteur de 2,5 millions d’euros. « Nous espérons que notre démarche aura un impact positif pour la région. Depuis plusieurs années, la Békaa souffre de conditions climatiques peu avantageuses pour l’agriculture, liées au changement climatique. Mais la plaine subit également une forte pression démographique, du fait de la présence de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés syriens », explique un responsable de l’association, qui poursuit : « Nous voyons cette reconversion comme un “projet expérimental”, qui pourrait ensuite être adapté à l’échelle nationale. » En pratique, cet engagement se traduit par l’aménagement ou la réhabilitation de plusieurs infrastructures de ce domaine agrotouristique de 230 hectares, dont l’Union européenne et l’association Arcenciel inauguraient, mi-juillet, les nouvelles installations.
C’est en 2015 que la Délégation européenne a commencé à s’impliquer au domaine de Taanayel, en pariant d’abord sur sa reconversion énergétique : Bruxelles finance alors la mise en œuvre de deux centrales photovoltaïques : la première sur le toit de la laiterie ; la seconde, toute récente, qui coiffe le nouveau centre de stockage. Ces 316 panneaux solaires génèrent quelque 120 000 kWh par an d’électricité, qui permettent à l’association d’économiser environ 20 000 dollars annuels sur sa facture de carburant. En parallèle, Bruxelles a choisi de financer la construction d’un centre de stockage et de tri réfrigéré ouvert également aux agriculteurs de la région, qui pourront y avoir accès à un prix “éthique”, ainsi que le stipule l’association, afin de mieux conserver leurs récoltes sur le long terme.

Raréfaction des ressources

Mais le cœur de cette transition verte repose sur une meilleure gestion des ressources hydrauliques, alors que le domaine produit l’équivalent de 85 hectares de cultures de vigne, des pommes de terre, du blé ou encore de la luzerne. « La demande explose, tandis que la ressource, elle, se réduit,  aussi bien en quantité qu’en qualité. Il est donc devenu impensable de continuer à la gaspiller », assure encore l’association. Du coup, c’est tout un système de gestion de la ressource qui est expérimenté : l’UE et Arcenciel ont d’abord mis en œuvre la construction de 1 200 mètres de canaux pour acheminer l’eau de la rivière de Chtaura jusqu’au domaine. Ces canalisations, qui couvrent un million de mètres carrés, sont couplées à un réseau d’égouts ainsi qu’à une station de traitement (d’une capacité de 20 m3 par jour). S’ajoute à ce premier niveau la constitution de deux nouveaux “lacs” artificiels, d’une capacité de 25 000 m3 chacun, permettant au domaine de compter sur 300 000 m3 de réserves. « Les déchets solides présents dans l’affluent sont alors éliminés en amont grâce à un dégrillage mécanique. On a également introduit un système d’aération active afin de diminuer la charge de l’eau en polluants organiques. » Couplées à d’autres initiatives comme l’existence d’une centrale météorologique en temps réel, qui permet d’évaluer les besoins hydrauliques des plantes, ces mesures doivent permettre au domaine de Taanayel de se projeter dans le XXIe siècle.