On oublie parfois que la photographie est un art de combat. Dans le cas d’Allan Sekula, à qui le Beirut Art Center (BAC) consacre son exposition d’été, c’est peu probable. Tout au long de sa vie, cet artiste américain, influencé par la pensée marxiste, a défini son art comme un « geste social » dont la finalité est de « documenter le monde ». Allan Sekula a 17 ans lorsqu’il choisit une spécialité artistique en 1968, alors qu’il commence des études scientifiques en Californie. Sekula est l’aîné de quatre enfants. Sa famille maternelle est originaire d’Allemagne, immigrée de seconde génération, catholique, comme du côté paternel dont les membres viennent de Pologne. Les Sekula se sont établis dans différents endroits de la Californie au gré des embauches du père, ingénieur en aéronautique, avant que ce dernier ne se retrouve sans emploi. « Le conflit de classe n’est pas qu’une question économique et politique. C’est aussi un conflit de représentation », rappelle ainsi une étude dédiée à l’artiste.
Mais si représentation il y a, « Sekula se positionne davantage du côté d’une “fabrique” du sens » : il utilise différents médiums « pour transformer le réel et non plus pour le conserver en image », synthétise Marie Muracciole, directrice du BAC. Ainsi, dans “Untitled Slide Sequence” (1972), un diaporama à découvrir au BAC, l’artiste se consacre au “flot des travailleurs”, sortant d’une usine de missiles, installée dans sa région natale, alors que la guerre du Vietnam bat son plein.
L’artiste ne se restreint pas à la photographie : l’écriture forme souvent avec l’image un duo drôle et intelligent. On retrouve cette volonté dans “Aerospace Folktales” (1973), qui évoque le chômage du père : nous sommes en 1969, Sekula termine une mission dans une entreprise de chimie. Il prend alors la mesure de la complicité de la science avec les stratégies d’armement, « mais aussi avec la demande implicite d’aliénation à la rentabilité sur laquelle repose l’organisation capitaliste du travail occidental », rappelle Marie Muracciole dans les écrits qu’elle consacre au photographe.
Jusqu’au 29 septembre 2017, beirutartcenter.org