Le Liban a accueilli pour la première fois, fin juillet, les International Selection Panels du réseau mondial de mentorat Endeavor, qui accompagne et soutient des centaines d’entrepreneurs dans le monde. Rencontre avec la fondatrice et présidente de l’ONG, Linda Rottenberg, et le directeur de la branche libanaise, Tarek Sadi. 

Pourquoi avez-vous organisé le 73e panel international de sélection d’Endeavor à Beyrouth ?

Linda Rottenberg : Endeavor célèbre cette année son vingt-huitième anniversaire dans le monde et son septième au Liban. Nous apprécions les efforts entrepris au Liban depuis 2011 pour développer le réseau localement. Trente-quatre entrepreneurs libanais, engagés dans vingt-sept sociétés “à haut potentiel”, ont intégré à ce jour ce réseau, qui réunit plus de 1 500 entrepreneurs dans le monde. Malgré de nombreux obstacles liés à la situation sécuritaire, nous avons enfin réussi à venir à Beyrouth, et nous y avons rencontré des entrepreneurs très talentueux.

Tarek Sadi : L’organisation de cet évènement à Beyrouth nous a permis de montrer à la communauté d’Endeavor le potentiel du pays et le travail réalisé ces dernières années. Les personnes extérieures sont toujours étonnées de trouver cette capacité d’entreprise au Liban.

Comment évaluez-vous l’accompagnement des entrepreneurs au Liban ?

L.R. : Les entrepreneurs libanais commencent à trouver un relais avec la classe politique et avec la Banque du Liban qui a comblé des déficiences au niveau du financement. Mais il faut aller plus loin. En Argentine par exemple, où les entrepreneurs que nous accompagnons depuis vingt ans sont à la tête des plus grandes sociétés du pays, le vice-président d’Endeavor travaille en collaboration avec le président argentin Mauricio Macri pour mettre en place des mesures de soutien à l’entrepreneuriat.

T.S. : La Banque du Liban a joué un rôle important en accompagnant la croissance du secteur technologique. Elle est intervenue à un moment où le secteur privé et les entrepreneurs cherchaient à se développer. L’enjeu aujourd’hui est de leur permettre de prospérer. La classe politique tente de compléter le travail de la Banque du Liban, avec par exemple “les étés de l’innovation”, une initiative lancée fin juillet par le cabinet du Premier ministre, qui ont permis à de jeunes Libanais de présenter des projets d’applications mobiles liées au développement durable.

Le groupe El Yaman rejoint le réseau
Le panel international de sélection a admis douze nouvelles entreprises au sein du réseau dont une libanaise : le groupe El Yaman. Basé à Saida avec 70 employés, ce groupe familial est spécialisé dans l’impression et compte déjà parmi ses clients des marques internationales comme Burger King, Starbucks ou The Cheesecake Factory. Depuis 2016, l’entreprise a investi dans de nouvelles technologies afin d’arriver à un modèle « web to print ».


Qu’est-ce qui fait la force du Liban pour un entrepreneur ?

L.R. : Le secteur privé occupe une place très importante au Liban, et c’est essentiel dans la construction d’un écosystème entrepreneurial. La taille limitée du marché intérieur est également un atout, car elle pousse les entreprises à se tourner vers la région. On constate aussi que les entrepreneurs libanais cherchent à réinvestir dans l’écosystème pour le consolider. Ils parrainent d’autres entités en devenant des business angels ou créant des fonds à capital risque. C’est la clé de la réussite. Si vous regardez les entreprises de la Silicon Valley, qu’il s’agisse de Google ou de Facebook, toutes parient sur d’autres sociétés.

Quelles sont les barrières pour le développement de l’entrepreneuriat ?

T.S. : Le gouvernement dit travailler sur le problème des infrastructures (électricité, transport, internet…), mais il faut aussi réviser le cadre législatif et réglementaire, pour améliorer l’environnement des affaires. Il faut encourager les entrepreneurs à se lancer, en leur permettant par exemple de s’installer rapidement ou, à l’inverse, de fermer plus vite. Ils doivent aussi être protégés en cas de faillite et pouvoir embaucher ou licencier plus rapidement. Il nous faut par ailleurs travailler sur le développement de nos marques à travers le monde et promouvoir davantage le Liban comme un centre d’innovation et d’excellence.