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Human Rights Watch (HRW) tire la sonnette d’alarme. L’ONG s’inquiète, dans un rapport publié mercredi, du manque de traçabilité des fonds accordés par les donateurs étrangers à l’éducation des enfants syriens réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie. « Les budgets éducatifs dans les pays d’accueil ont été insuffisamment financés », affirment les auteurs du rapport qui pointent des incohérences voire des irrégularités dans le processus d’acheminement de ces fonds.

Au total, 1,4 milliard de dollars ont été promis par les pays donateurs, lors d’une conférence à Londres en 2016. Cette campagne de financement avait pour objectif d’éviter de voir grandir une « génération perdue » en garantissant d’ici la fin de l’année scolaire 2016-2017 un accès à l’éducation à tous les enfants réfugiés. Parmi les principaux donateurs se trouvaient l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Norvège et le Japon.

Mais à ce jour 530.000 enfants syriens ne sont toujours pas scolarisés au Liban, en Jordanie et en Turquie, selon les données de HRW, qui estime le nombre de réfugiés syriens en âge d’aller à l’école à 1,6 million dans ces trois pays. Le motif ? Ces fonds ne sont pas parvenus à leurs destinataires, ou s’ils l’ont été, c’est avec retard. HRW affirme même ne pas trouver trace de certains dons, pourtant effectués.

« HRW s’est lancé sur la « piste » de l’argent des principaux donateurs en faveur de l’éducation au Liban, en Turquie et en Jordanie, les trois pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés syriens, en constatant d’importantes disparités entre les fonds que les différents donateurs affirment avoir débloqués et les montants ayant effectivement été perçus par leurs bénéficiaires en 2016 », assure le communiqué.

Incohérence et gabegie

Les montants perçus à l’arrivée ont été sensiblement inférieurs à ceux espérés, sans que le rapport du HRW ne soit en mesure de déterminer avec précision les raisons de ce déficit du fait d’un manque de transparence, tant de la part des donateurs que des récipiendaires de ces aides. Les besoins du Liban avaient, par exemple, été évalués à 350 millions de dollars par an pendant cinq ans, lors de la conférence de Londres. Mais les Nations unies estiment le total réellement perçu par le pays du Cèdre en 2016 à seulement 253 millions de dollars ; soit un déficit de 97 millions de dollars. L’affaire se complique d’un cran lorsqu’on sait que les six principaux donateurs affirment, eux, n’avoir versés que 223,4 millions de dollars…

A ces irrégularités, s’ajoutent en outre des retards dans l’acheminement des fonds. Au début du mois de septembre 2016, alors que la rentrée scolaire bât son plein, le Liban n’avait ainsi perçu que 47 % de l’aide prévue. Premiers incriminés ? Les pays-donateurs, dont le HRW dénonce le « manque global de transparence ». L’ONG critique en particulier le « manque de rapports consistants, détaillés et communiqués en temps et en heure » par ces pays. Le Royaume-Uni est le seul pays à avoir fourni des informations précises sur ses fonds pluriannuels accordés au Liban et à la Jordanie, salue le rapport. L’ONG souligne également le manque de clarté relative à la nature des projets ciblés et leur durée ainsi que le manque de données disponibles sur le nombre d’enfants déscolarisés, qui rend difficile toute tentative d’évaluation de l’efficacité de ces aides.