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Le Conseil Constitutionnel a décidé à l’unanimité, le 22 septembre, d’invalider la loi de financement de la revalorisation de la grille des salaires de la fonction publique (n°45). Le texte incluait une vingtaine de mesures fiscales, comme la hausse de la TVA à 11%, de l’impôt sur les bénéfices à 17%, ou de la taxe sur les taux d’intérêt à 7%. Entrées en vigueur le 21 août, ces mesures avaient été suspendues dix jours plus tard par le Conseil Constitutionnel, saisi par des députés du parti Kataëb.
Dans sa décision, le Conseil relève quatre violations de la loi fondamentale. Il affirme d’abord que l’article 36 de la Constitution, qui impose aux députés d’annoncer clairement  leur vote lors de la séance plénière, n’a pas été respecté. Il souligne ensuite que « la loi a été promulguée en l’absence et en dehors d’un budget national, contrevenant au principe d’universalité consacré dans l’article 83 de la Constitution », et que les mesures fiscales auraient dû être incluses dans la loi de Finance.
« Le budget autorise l’Etat à lever l’impôt et à engager des dépenses. L’Etat ne peut donc pas instaurer de nouvelles taxes sans budget », explique une source proche du dossier, ayant requis l’anonymat. Le Conseil rappelle à ce sujet que l'absence de budget (depuis 2005), et l’absence de comptes de clôture (depuis 1993), représentent des violations patentes de la Constitution.  
Il dénonce également une disposition qui vise en particulier les professions libérales, et qui, selon lui, ne respecte pas le principe d’égalité devant l’impôt. Un article de loi obligeait les professions libérales à inclure leurs revenus financiers, déjà soumis à l’impôt sur les capitaux mobiliers, dans la base de calcul de leur revenu professionnel soumis à l’impôt progressif. Or, cela ne s'applique pas à d'autres catégories professionnelles comme les employés ou les fonctionnaires. A noter que le même article imposait aussi aux sociétés de capitaux financières ou commerciales soumises au régime du bénéfice réel de considérer l'impôt sur les capitaux mobiliers comme une charge et de le déduire de leurs revenus imposables. Cela aurait privé les banques de la possibilité octroyée depuis 2003, de déduire la somme du montant de l’impôt sur les bénéfices. La formulation assez vague du Conseil Constitutionnel ne permet pas d'affirmer avec certitude si la disposition prévue pour les banques est elle aussi contraire au principe d'égalité devant l'impôt.
Le Conseil a enfin contesté le manque de clarté de l'article  relatif aux pénalités imposées pour l'exploitation illégale des biens-fonds maritimes.   
Cette décision très attendue du Conseil constitutionnel a des implications majeures. La loi de revalorisation de la grille des salaires étant toujours en vigueur, l’Etat devra trouver d’autres moyens pour couvrir les dépenses supplémentaires occasionnées, estimées à plus de 800 millions de dollars par an. Il doit réduire ses dépenses ou voter des taxes, mais cela ne pourra désormais se faire avant le vote d’un budget. Le gouvernement pourrait inclure la plupart des mesures prévues dans la loi de finance 2017 qui n’a toujours pas votée, les comptes de clôture des années précédentes n’ayant toujours pas été finalisés. Il pourrait également les reporter sur le budget 2018, qui n’a pas encore été examiné par le Conseil des ministres, mais qui selon la Constitution devrait être voté avant le 31 décembre prochain. 
Les dispositions relatives aux professions libérales, aux bien-fonds maritimes, et éventuellement aux banques, pointées du doigt par le Conseil constitutionnel, devront toutefois être reformulées ou abandonnées.  
Dans un communiqué relayé par l’Agence nationale d’information, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a appelé le Conseil des ministres à se réunir d’urgence pour discuter des effets de cette annulation et envisager des alternatives.