Entretien avec  Davis Hall, responsable mondial du conseil en investissements - devises et métaux précieux, Indosuez Wealth Management 


Vous mettez en garde votre client contre un “effet despacito”. Que voulez-vous dire par cela ?

Cette analogie musicale est utilisée pour représenter ce qui, à mon avis, se passera très prochainement. La crise des subprimes date déjà d’il y a dix ans. À l’époque, les banques centrales avaient injecté massivement de l’argent pour relancer l’activité économique, et cela a perduré jusqu’à aujourd’hui. Une situation extraordinaire est ainsi devenue normale. Mais la fête ne va pas continuer éternellement et les autorités monétaires ne vont plus intervenir au même rythme. Il y aura à mon avis un ralentissement que j’appelle “l’effet despacito”, en référence au tube musical planétaire dont le titre en espagnol signifie “lentement”. Notre but aujourd’hui est de mettre en garde nos clients contre un retournement de situation et de les protéger, d’autant que les résultats exceptionnels réalisés encore cette année les rend plus friands de risques. Or, il faut aujourd’hui préserver les gains réalisés et se prémunir contre une vraisemblable augmentation de la volatilité des marchés dans les mois à venir.

Qu’est-ce qui pourrait entraîner une plus grande  volatilité ?

La faible volatilité des marchés était due jusque-là à la situation politique et économique mondiale relativement stable. Mais cette situation ne va vraisemblablement pas durer. Nous pensons que l’augmentation de la volatilité se fera subitement et de façon violente. La tension croissante entre le président Donald Trump et des pays tels que l’Iran et la Corée du Nord, ainsi que l’incertitude politique au Liban contribuent à un regain d’instabilité, et le pire serait à craindre en cas de frictions additionnelles.

Depuis l’élection du président américain, la Fed a déjà relevé ses taux d’intérêt trois fois. À quoi faut-il s’attendre ?

Nous pensons que la Fed va continuer dans cette politique (en relevant deux ou trois fois ses taux durant les 14 mois à venir), alors que les autres grandes banques centrales n’augmentent que peu ou pas leurs taux. Cette hausse des taux d’intérêt augmentera la demande vis-à-vis du dollar et entraînera l’appréciation du billet vert par rapport aux autres monnaies. Le dollar est faible depuis l’arrivée de Donald Trump à la présidence, reflétant le manque de résultats concrets de sa politique. Mais cette situation ne devrait pas durer. Le président et le camp républicain proposent des réformes fiscales et des baisses d’impôts, auxquelles les démocrates devraient se montrer favorables, car certaines bénéficient aussi à la classe moyenne. Cela devrait contribuer à renforcer un peu plus l’économie et le dollar américains.

Qu’en est-il de l’euro ?

À mon avis, l’euro est surévalué par rapport au dollar américain, qui comme je vous l’ai dit devrait s’apprécier dans les mois à venir, alors qu’en Europe le climat n’est pas idéal. Des élections générales auront lieu l’année prochaine en Italie, ce qui devrait encore plus amplifier l’instabilité autour de l’euro, causée aujourd’hui, entre autres, par l’incertitude politique en Catalogne et même en Allemagne.

Face à ce regain d’incertitudes, que conseillez-vous ?

Pour l’instant nous conseillons à nos clients d’échanger leurs euros en dollars et de rester vigilants vis-à-vis du cours du pétrole. Il semble en effet que la Russie et l’Arabie saoudite ont repris en main l’offre d’or noir et œuvrent à la réduire pour soutenir les prix. Dans ce contexte, l’or reste le meilleur moyen d’amortir la volatilité des marchés. En période d’instabilité, les gens vont se ruer vers le métal jaune, ce qui augmentera sa valeur. En plus, depuis presque un an, les banques islamiques autorisent leurs clients à investir dans l’or, ce qui soutient la demande. Nous recommandons à nos clients de placer en or 8 à 12 % de la valeur de leur portefeuille en tant qu’amortisseur à l’exposition actions présente depuis plusieurs années.