La Banque mondiale a publié récemment un rapport sur l’écosystème libanais, dans lequel elle dresse un état des lieux du secteur et propose des pistes pour soutenir son développement. 

Premier constat : la force de l’écosystème libanais tient avant tout dans ses ressources humaines, souligne la Banque mondiale dans un rapport publié à l’automne et réalisé en partenariat avec Berytech. En se basant sur un sondage mené auprès de 218 entrepreneurs libanais, l’institution signale que comme dans d’autres pays du monde, les fondateurs d’entreprises sont jeunes (ils ont en moyenne 29,8 ans quand ils se lancent pour la première fois) et 81 % d’entre eux sont des hommes. Mais ce qui différencie les créateurs d’entreprises libanais, c’est leur niveau d’éducation : 90 % d’entre eux ont un diplôme universitaire et 50 % à un niveau master ou plus.

Les profils sont variés, mais restent scientifiques : 51 % des entrepreneurs sont diplômés en sciences, technologie, ingénierie ou mathématiques, 14 % ont un diplôme de commerce et 13 % ont les deux.

Les créateurs d’entreprises ont aussi de l’expérience. En moyenne, ils ont travaillé 7 ou 8 ans avant de lancer leur start-up, mais seulement 22 % d’entre eux ont une expérience de gestionnaire, ce qui peut les pénaliser au niveau opérationnel. La Banque mondiale suggère aussi d’augmenter les formations techniques afin d’intégrer les personnes moins éduquées, mais dont les compétences font défaut sur le marché libanais, comme de codeurs ou des experts techniques.

Au niveau réglementaire, malgré des efforts considérables déployés par les autorités libanaises depuis 2013 pour soutenir l’économie digitale et la création d’entreprise, les entrepreneurs font encore face à de nombreux obstacles d’ordre administratifs, constate la Banque mondiale. À titre de comparaison, il faut deux fois plus de temps pour obtenir un crédit bancaire ou embaucher une personne au Liban qu’en Palestine, et quatre fois plus de temps dans le cadre d’une demande d’investissement hors banque.

Concernant les acteurs, l’étude souligne l’omniprésence de la Banque centrale et remet en question le rôle des incubateurs. Si deux tiers des start-up accélérées trouvent des investisseurs contre seulement un tiers de celles qui se sont débrouillées seules, le passage par un incubateur n’est pas un gage de qualité. Il est difficile d’accéder au capital-risque sans passer par un accélérateur, reconnaît l’étude, mais « ces programmes n’améliorent pas de manière significative la qualité des start-up».

«La communauté est immature avec seulement un cluster et cela limite les ressources accessibles aux start-up», poursuit le rapport.

Si la manne de financement est bien là grâce aux garanties de la circulaire 331, la Banque mondiale souligne que le nombre de projets de qualité reste trop faible pour que le processus de sélection naturelle permette de voir émerger des start-up vraiment solides. Les fonds d’investissement nés de la circulaire 331 se retrouvent souvent forcés à miser sur des start-up de moyenne qualité à défaut d’avoir de meilleures alternatives. À terme, cela pourrait créer une bulle spéculative et empêcher l’écosystème de se développer durablement.

«La masse de financement disponible pourrait bien être supérieure à ce que l’écosystème est capable de générer en termes de start-up de qualité, résultant dans le financement de projets non durables», dit le rapport. L’étude estime également que la circulaire 331 a un effet d’éviction, et recommande au Liban de s’en détacher progressivement pour tenter d’attirer davantage d’investisseurs privés, y compris étrangers et issus de la diaspora. Ces investisseurs, qui opéreront selon une logique de profitabilité pure, devraient améliorer la compétitivité de l’écosystème, et in fine augmenter les chances de voir de vrais Libanais émerger.

Le rapport encourage aussi l’écosystème à s’étendre au-delà du secteur des nouvelles technologies pour inclure les industries traditionnelles.