Marche de palestinien expulsés vers le campement de Marj az-Zouhour, au sud du Liban,  1993
Marche de palestinien expulsés vers le campement de Marj az-Zouhour, au sud du Liban, 1993 ©Samermohdad

Il y a du William Klein chez le photographe Samer Mohdad : une esthétique très marquée, à mille lieues de l’élégance précieuse d’un Fouad el-Khoury par exemple (exposé en ce moment au port). Comme Klein, le Libanais Samer Mohdad parcourt l’espace – les villes en ruine, les fiches urbaines –, en imposant son style : des images saisies dans l’action, à la limite du reportage de rue, au plus près des visages et des corps par l’usage notamment du grand angle. Cela donne à ses images un style syncopé, presque dansant, en tous les cas ultradynamique.

Il a 10 ans quand débute la guerre libanaise. Et c’est avec une caméra vissée à l’œil qu’il la traverse. Certaines des photographies de cette époque sont exposées à Platform39, une galerie que Nayla Kettaneh, la figure tutélaire de la galerie Tanit, entend désormais dédier à la photographie. Ne vous attendez pas toutefois à une énième resucée sanglante : Samer Mohdad aime « la vie simple des gens ordinaires », même si celle-ci se déroule au cœur d’une guerre civile. En terme d’images, cela se traduit par des portraits resserrés, aux angles improbables, pris comme au hasard (même si le hasard n’a strictement rien à voir dans le résultat).

Cette exposition d’une quarantaine d’images, présentées une première fois lors du Festival d’images de Houston, aux États-Unis, en 2014, nous entraîne aussi vers ce que le photographe nomme “ses” arabies : une quinzaine de pays, la plupart à feu et à sang, depuis la Palestine, la Libye, ou le Yémen en passant par l’Arabie saoudite. Beaucoup de désert, de routes sinueuses, pour un voyage intime loin des clichés de l’orientalisme occidental.

On y décèle toujours l’énergie frissonnante et son amour des “petites gens”, dont il se plaît à capturer l’existence naïve. Parfois, toutefois, lorsque Mohdad prend du recul, son cadre laisse émerger un paysage comme un “fragment de réalité” irréel. Quasi sorcier. C’est cela qui s’échappe de cette “36A” – dernière image d’une pellicule photo noir et blanc, shootée au Yémen, et l’une de ses plus iconiques images : un jeune joueur de football, sautant sur les colonnes du temple de Marib, au Yémen. Funambule, d’un temps qui n’existe plus, il incarne à merveille cette fragilité ontologique du “monde arabe”.

Platform39, Tél. : 01/339381, Fassouh, “Samer Mohdad, The Arabs”, View from the inside, jusqu’au 20 janvier.