Savez-vous quelles sont les dernières tendances pour la prochaine élection ? Facile. Il suffit d’ouvrir « Niabiyye 2018 » (« Législatives 2018 » en français). Cette micro-application est hébergée au sein de MySay, une application plus large de sondages et d’études d’opinion. Disponible pour Apple et pour Android, Niabiyye 2018 est gratuite et sans engagement. 

En ce moment, si on en croit Niabiyye, la liste du courant du Futur caracole en tête à Beyrouth II avec 34 % des intentions de vote tandis qu’à Beyrouth I c’est Koullouna Watani, la liste de la société civile, qui explose les compteurs avec 47 % d’intentions de vote exprimées. Demain, il en sera peut-être autrement : gratuits et anonymes, ces sondages ne reposent en effet sur aucun panel. Il suffit de s’inscrire et de voter pour son candidat ou sa liste d'une simple pression du pouce sur son smartphone.  On peut alors en plus consulter les intentions de votes de tous ceux qui ont répondu à « l’appel du sondage », dans la circonscription dans laquelle on s'est inscrit.

À ce jour, Niabiyye a enregistré quelque 27 000 « votes » toutes circonscriptions confondues. Selon les fondateurs de l’application, les hommes politiques eux-mêmes sont de plus en plus nombreux à la consulter. « Je suis certain qu’ils consultent l’application régulièrement », explique Daniel Georr, un ancien publicitaire, qui a cofondé MySay avec deux autres Libanais, Paul Jazzar et Fares Saliby. « Ils comparent nos statistiques à ceux des instituts de sondage. Aujourd’hui, on gagne ou on perd sur les réseaux sociaux. La communication politique se fait énormément là-dessus », constate-t-il.


Récente, Niabiyye n’a cependant rien d’une nouveauté : ailleurs, cette micro application s'appelle Gov (en France) ou encore Brigade (aux États-Unis). Gov a effectué ses premiers pas lors de l'élection présidentielle en Tunisie en 2014. À cette occasion, l'application avait recueilli 800 000 opinions en un mois (sur un corps électoral de quatre millions d’électeurs). À l’époque, les médias locaux l'avaient même surnommée : « la voix des sans-voix ». 

Au Liban, la plate-forme de sondages en ligne a demandé deux ans de conception et une levée de fonds d’environ 800 000 dollars, mené auprès d’investisseurs libanais dont les noms n’ont pas été communiqués. L’équipe espère générer de l’argent d’ici à trois ans. « On avance vite : quatre mois après notre lancement, on atteint déjà le seuil des 50 000 réponses par jour », précise encore Daniel Georr. Pour atteindre la rentabilité, l’application vise une large clientèle, allant des petites aux grandes entreprises en passant par les médias, voire même des partis politiques. La direction de MySay est notamment en pourparlers avec la chaîne de télévision LBC pour lui fournir différentes études d’opinion.

Pour Daniel Georr, l’application s’inscrit parfaitement dans l’époque actuelle : « Les gens ont besoin de s’informer de manière instantanée et rapide. Ils ont besoin de savoir ce que les autres pensent de l’actualité. Or, les instituts de sondages classiques sont trop chers et trop lents dans leur réponse. » Selon lui, une étude sur un panel composé de 1000 personnes coûte 5000 dollars a minima dans un institut traditionnel, quand MySay facture 80 dollars le panel de 1000 personnes et environ 20 dollars pour 50 personnes.

Reste cependant la question de la fiabilité de ces sondages en ligne. Selon Daniel Georr, « la marge d’erreur de MySay se situe entre 4 et 7 % ». « Pour les éventuels abus, on a mis au point un algorithme que nous évaluons encore », ajoute encore Paul Jazzar.  « Ceux qui mettent tout le temps les mêmes réponses et le font très rapidement sont détectés, par exemple. »

Mais des spécialistes mettent en garde face au développement de ces études, surtout en ce qui concerne les intentions de votes. Pour Fabrice Epelboin, spécialiste français des médias sociaux, de la cybersécurité et enseignant à Sciences Po Paris, cité dans un article de la RTBF, « n'importe quel novice peut truquer ces petits sondages binaires. Avec un peu de connaissances, on peut même mettre en place un système de réponses automatiques et générer des centaines de votes à la minute. »

En France, d’ailleurs, lors du premier tour des élections présidentielles, Gov avait donné le candidat François Fillon en tête de la course. C’était finalement Marine Le Pen qui l’avait largement devancé.