Nous aurions adoré emprunter, pour ces premières élections depuis 2009, le slogan du candidat François Hollande à la présidentielle française de 2012, « le changement c’est maintenant ». Mais soyons réalistes.

Personne ne croit qu’une loi taillée sur mesure, soigneusement cuisinée pendant des mois et négociée circonscription par circonscription par les partis au pouvoir puisse bouleverser le paysage politique actuel, aussi proportionnelle soit-elle. Les parrains du texte n’ont certainement pas choisi d’organiser leur suicide collectif, même s’il aurait sans doute été salutaire.

Faut-il pour autant enterrer tout espoir de changement ? Rester chez soi le 6 mai ou déposer un bulletin blanc dans l’urne ? Dans la configuration actuelle, l’abstention renforce le poids du vote partisan, tandis que le vote blanc relève le quotient électoral, ce qui favorise les partis traditionnels.

Mais y a-t-il vraiment, au fond, une alternative à ces partis ?  La multiplication des candidats indépendants ou issus de la société civile, notamment des femmes, est l’un des faits marquants de ce scrutin. Il témoigne de l’espoir suscité par le mode proportionnel et d’une remise en cause du pouvoir en place. Les nouveaux venus attaquent les anciens sur un terrain que ces derniers n’ont pas intérêt à occuper : la situation sociale et économique. Si certains partis politiques s’enorgueillissent d’avoir préservé la sécurité, dans une région à feu ou à sang, ou d’avoir “renforcé” le pays, le bilan socio-économique des neuf dernières années, lui, est impossible à promouvoir. La conjoncture régionale a certes été difficile, mais quelles politiques ont été menées pour en atténuer l’impact au Liban ? Qu’ont fait les élus et le gouvernement pour améliorer les services publics (électricité, eau, déchets…), protéger les plus démunis, soutenir la croissance, aider les entreprises ou lutter contre la corruption ?

La participation de nouvelles figures à la campagne a  le mérite, au moins, de replacer ces questions au cœur du débat public. À force, cet exercice devrait permettre, lentement mais sûrement, de faire prendre conscience aux électeurs libanais qu’ils sont en droit d’exiger autre chose que la protection de leur communauté, ou des services divers qu’ils – ou leurs enfants – finiront par payer, pour rembourser la dette publique.

S’ils sont élus, les nouveaux candidats changeront-ils la donne ? Il est difficile de préjuger des compétences de chacun et à moins d’un miracle, ils ne formeront sans doute pas un bloc parlementaire capable de changer le rapport de force à l’hémicycle. Mais l’enjeu n’est pas là. Leur simple présence dans le scrutin permet de réintroduire un concept démocratique longtemps absent des élections libanaises : le vote sanction. Elle offre la possibilité d’un vote contestataire, de la transmission par les urnes d’une volonté de réformes que les partis ne pourront plus ignorer en vue des élections 2022.

À défaut de changer les politiciens, ces élections pourraient peut-être changer, ne serait-ce qu'un peu, leur façon de faire de la politique.