Tout le monde se plaint de la situation économique actuelle du pays. Dans tous les secteurs d’activités –  du commerce à l’industrie, en passant par l’immobilier, la publicité, la finance, et même la restauration –, on parle de licenciements, d’impayés et d’invendus. Est-ce la déception électorale qui a eu raison de l’optimisme légendaire des Libanais, ou l’économie a-t-elle vraiment touché le fond ?

Pour en juger, les médias et le public n’ont à leur disposition que des indicateurs parcellaires, souvent dépassés et pas toujours fiables. Les derniers comptes nationaux publiés par l’Administration centrale de la statistique remontent à 2015. Depuis, pas un chiffre officiel sur la croissance du PIB, encore moins sur le taux de chômage qui, de toute façon, n’a jamais été mesuré. Pour se renseigner sur l’état de l’économie réelle, les citoyens scrutent les rapports des institutions internationales ou les interviews du gouverneur de la Banque centrale, comme on consulte l’oracle.

Ce désert statistique dans un pays à revenus intermédiaires comme le Liban n’est ni commun ni anodin. Il témoigne d’un appauvrissement volontaire du champ socio-économique dans le débat public. Sans chiffres, comment faire un état des lieux et diagnostiquer le problème ? Comment évaluer la pertinence des politiques menées ? Comment juger la performance d'un gouvernement qui ne prend même pas la peine de se fixer des objectifs économiques?  Il faut croire que le débat n’est pas là.

L’essentiel pour le moment est de savoir combien chaque bloc parlementaire aura de ministère, et de créer des portefeuilles à sa mesure. La priorité est de faire de la place à tout le monde en formant un cabinet de 30, voir 32 ministres. L’efficacité n’est pas un critère. Ni le coût d’ailleurs. Selon l’ONG Legal Agenda, avec un salaire annuel de plus de 100 000 dollars par ministre, une équipe de 30 ministres coûte au contribuable plus de 3,1 millions de dollars par an. La classe politique, elle au moins, ne connaît pas la crise.