Français d’origine libanaise, Franklin Azzi fait partie du collectif d'architectes la Nouvelle AOM (Franklin Azzi Architecture, Chartier Dalix, Hardel Le Bihan), chargé de la réhabilitation de la Tour Monparnasse, le plus haut gratte-ciel de Paris. Rencontre. 

Les bureaux du promoteur américain Hines à La Défense près de Paris ? C’est lui. Les anciennes halles Alstom transformées en école d’arts en Bretagne ? Encore lui. La réhabilitation de la tour Montparnasse au cœur du 14e arrondissement parisien ? L'agence qu'il a fondée la Nouvelle AOM (Franklin Azzi Architecture, Chartier Dalix, Hardel Le Bihan)…. À 42 ans, Franklin Azzi est l’étoile montante de l’architecture française. Tout dans son parcours dit “l’excellence à la française”. Pourtant, derrière son visage de garnement à la belle barbe brune se cachent des origines libanaises. « Depuis toujours, je sais que je suis libanais », dit-il.

Ses racines remontent à son arrière-grand-père, un banquier originaire de Jounié, qui s’était installé à Beyrouth avant de faire faillite pendant la Première Guerre mondiale.

À sa mort, la plupart de ses enfants quittent les rivages méditerranéens pour Paris. Peu à peu, la part libanaise des Azzi s’étiole au fil des générations dans une histoire qui s’écrit désormais du côté des berges de la Seine. Ce n’est qu’en 2011 que Franklin Azzi se rend pour la première fois au Liban, «un souvenir particulièrement fort. La lumière, les odeurs, les matériaux, le relief du paysage», raconte-t-il.

Mais il y a quelque chose dans ce locus libanais qui semble le rattraper en permanence. L’homme se dit « intimement persuadé » que ses origines ont impacté sa manière de travailler, en évoquant cette faculté très libanaise « de savoir parler avec les gens et d’expliquer les projets », ou encore sa vocation d’architecte. «J’apporte une réelle attention aux détails, très présents aussi dans l’architecture libanaise dont les dessins et les ornements font partie intégrante des façades et des intérieurs», dit-il.

Défenseur d’une “architecture globale”, ce touche-à-tout – il adore travailler la décoration d’intérieur ou la création de meubles – est depuis 2006 à la tête du cabinet Franklin Azzi Architecture (FAA). Démarré avec une poignée de collaborateurs, FAA compte aujourd’hui une cinquantaine de personnes aux profils variés. Et a engrangé un chiffre d’affaires de 4 millions de dollars l’année passée. « L’interdisciplinarité compte énormément pour moi. » Habité par son métier, l’obsessif Franklin Azzi peut parler des heures durant de la construction de “sa” tour à Dubaï – un hôtel Accor-Mama Shelter (201 chambres, 80 appartements) dont le chantier est évalué à 150 millions d'euros – ou des boutiques qu'il conçoit dans le monde entier pour des créateurs de mode comme Isabel Marant (celle de Beyrouth est signée de ses mains), Jérôme Dreyfuss, Christophe Lemaire...

Mais son plus gros chantier il l’a décroché il y a moins d’un an : la réhabilitation de la tour Montparnasse, le plus haut gratte-ciel (210 mètres de haut, 59 étages) de Paris intra-muros. Porté par quelque 250 copropriétaires, le budget, estimé à 300 millions d’euros sur sept ans, est financé par des fonds 100 % privés. Pour ce projet Franklin Azzi s’est associé à d'autres architectes français -  issus comme lui d’une «génération d’architectes hypercontextuels, pour qui l’architecture émane de la réflexion d’un contexte» - au sein du collectif de la Nouvelle AOM (Franklin Azzi Architecture, Chartier Dalix, Hardel Le Bihan).  Le nom de cette entité faisant référence à l'ancienne agence AOM qui avait conçu la tour à la fin des années soixante. «On a été très pragmatiques, raconte-t-il. La beauté d’un bâtiment c’est la manière dont il est vécu» par ceux qui en ont l’usage. Davantage que l’affirmation d’une esthétique, ce qu’il tente de réussir c’est la mise en contact d’époques différentes, d’architectures divergentes et finalement de populations aux rythmes peu conciliables : touristes de passage, salariés des bureaux et habitants du quartier.

Le défi est de taille. Inaugurée en 1973, la tour n’a jamais su s’intégrer dans le quotidien du quartier. « L’échec de la tour Montparnasse, c’est qu’elle a été monoprogrammée », estime l’architecte. Jusqu'alors, en effet, elle n’accueillait que des bureaux (deux étages sont accessibles aux touristes). Elle va désormais se métamorphoser en une véritable “ville verticale”, comprenant bureaux, crèches, hôtels, restaurants, et même une serre végétale, qui alimentera les clients des restaurants de la tour. Autre nouveauté : le bâtiment sera doté d'un système de façade intelligente, où les stores et les volets suivront le mouvement du soleil. Les occupants de la tour bénéficieront de la luminosité sans subir les désagréments des rayons du soleil. « La richesse du projet c’est d'en faire un lieu de destination évident pour les Parisiens », fait encore valoir Franklin Azzi. Grâce à ce redéploiement, 12 000 personnes pourront être accueillies chaque jour dans la tour, contre 6 000 aujourd'hui.

Bio express


Né à Paris en 1975, Franklin Azzi est diplômé de l’Ecole spéciale d’architecture (ESA) de Paris. Il y rencontre Paul Virilio, philosophe et urbaniste français, dont l’enseignement le marque durablement. Il prolonge ensuite sa formation à la Glasgow School of Art, où il s’essaie aux différents métiers des arts appliqués. Pendant son service militaire, il est recruté par l’armée française, qui lui offre à construire ses premiers bâtiments en Inde et en Turquie.

De retour en France, il intègre la célèbre agence Architecture Studio A.S., qui a notamment conçu l’Institut du monde arabe aux côtés de Jean Nouvel. Ce choix n’est pas fait par hasard, sa directrice de mémoire, la Libanaise Roueïda Ayache, est associée au cabinet. Entré en tant que stagiaire en 2000, Franklin Azzi gravit les échelons et finit associé. En 2006, il remporte le prix des Nouveaux albums des jeunes architectes, qui le propulse parmi les valeurs montantes de l’architecture en France, et fonde sa propre agence, FAA. En 2014, il crée Franklin Azzi Design.