Couronné du prix Goncourt, voilà un grand roman social et il n’a rien à envier au réalisme américain ! Fresque magistrale d’une génération, d’une époque et d’une région rongée par la désindustrialisation.

Année 1990, en Lorraine. Les hauts fourneaux, vestige du fleuron industriel, se sont tus. La ville d’Heillange est désormais minée par le chômage, la silicose, l’alcool et les désillusions des anciens. Des hommes brisés par l’usine ou le licenciement ; des femmes vieillies prématurément. Une vie achetée à crédit : le pavillon, la bagnole et la télé. Mais la consommation n’aura été qu’un leurre pour mieux les maintenir dans la servitude de leur condition.

Et leurs enfants après eux ?

Quelle perspective d’avenir ont-ils, sont-ils condamnés à répéter le schéma familial ? Anthony, Hacine, Steph, Clem et les autres, s’ils ne sont pas nés du même côté de la barrière sociale, ils rêvent tous de s’échapper de ce trou comme de la chrysalide de l’adolescence. Dès les beaux jours, ils se retrouvent au lac où ils tentent de tuer l’ennui. La torpeur exacerbe le désir et l’envie d’en découdre, d’en être. Nicolas Mathieu les saisit sur quatre étés : de 1992 à 1998, de leurs quatorze ans à l’entrée dans l’âge adulte. C’est le temps des premières conneries, des joints et des bitures au Picon, des amitiés viriles, de la vitesse à moto, de tous les dangers. De tous les possibles. Des corps qui se cherchent, s’apprivoisent, se toisent. D’une métamorphose. Des premiers flirts, blessures et émois. C’est l’histoire d’une tragédie, celle de la France d’en bas et de ses laissés-pour-compte. De la montée des extrémismes. Un texte aussi crépusculaire que politique, aux dialogues plus vrais que nature, gorgé d’une énergie folle serait-elle celle du désespoir. Aucun temps mort, c’est tendu de bout en bout.

“Leurs enfants après eux”, Nicolas Mathieu, éditions Actes Sud, 23 dollars.