Le problème – Une société anonyme libanaise, D. SAL, qui a pour activité principale la vente de prêt-à-porter, a obtenu la représentation exclusive d’une marque italienne uniquement pour la région du Grand Beyrouth. Le contrat d’agence exclusive a dûment été enregistré au registre de commerce par la société D. Par la suite, la société italienne a également concédé la même marque à un autre distributeur pour la région du Mont-Liban. Cependant, deux ans après la signature du contrat de représentation exclusive, ce dernier a commencé à vendre les produits de la marque italienne dans un autre point de vente lui appartenant, situé dans un centre commercial à Verdun.La société D. SAL désire savoir comment procéder pour protéger ses droits d’agent exclusif de la marque pour la région du Grand Beyrouth.

Le conseil de l’avocat –
Une législation favorable aux représentants libanais et à caractère d’ordre public a été introduite au Liban par la promulgation du décret-loi n° 34 du 5 août 1967, puis modifié par le décret n° 9639/75 et par la loi n°671/98. Aux termes de cette réglementation, une société étrangère peut commercialiser ses produits au Liban en nommant un représentant commercial qui assurera la vente, l’achat, ou la prestation de services au nom et pour le compte de la société étrangère. Elle peut également nommer un distributeur exclusif qui vend pour son propre compte ce qu’il achète à la société étrangère en vertu d’un contrat de représentation commerciale. Toutefois, pour que le représentant exclusif libanais bénéficie de la protection accordée par la loi, plusieurs conditions sont exigibles. Ainsi, l’agent exclusif doit être de nationalité libanaise et disposer d’un local au Liban. Si le représentant est une société de personnes ou une société à responsabilité limitée, la majorité des associés et le fondé de pouvoir doivent être de nationalité libanaise. De même, la majorité du capital social doit être détenue par des Libanais. En revanche, et comme c’est le cas pour la société D, si le représentant exclusif est une société anonyme, les actions doivent être nominatives, la majeure partie du capital appartenir à des Libanais et les deux tiers des membres du conseil d’administration, ainsi que le directeur général doivent être de nationalité libanaise. Enfin, la clause d’exclusivité n’est opposable aux tiers que si elle est inscriteau registre de commerce. De surcroît, le décret-loi n° 34/67 exige que le contrat de représentation commerciale soit établi par écrit et inscrit au registre spécial établi auprès du ministère de l’Économie et du Commerce (article 4, alinéa 1). Il convient également de noter que cette exclusivité par rapport aux tiers, assurée par voie d’inscription au registre de commerce, n’est valable que dans le cas où ladite clause d’exclusivité en faveur du représentant est insérée dans le contrat de représentation commerciale.Par conséquent, la réglementation en vigueur inclut l’opposabilité aux tiers du contrat d’exclusivité si les conditions précitées sont remplies.

En d’autres termes, la société D., agent exclusif de la marque italienne pour le Grand Beyrouth, peut interdire à un concurrent de commercialiser la marque dans cette même zone géographique. En pratique, la société D. doit exciper une attestation du registre de commerce prouvant que le contrat de représentation commerciale est dûment inscrit. En outre, elle devra produire une copie certifiée du feuillet de la société auprès du ministère de l’Économie et du Commerce attestant l’enregistrement du contrat de représentation commerciale exclusive de la marque. Munie de ces documents, elle sera en mesure de présenter une requête gracieuse auprès du juge des référés afin de réclamer la désignation d’un expert au cas où sa demande est fondée. L’expert nommé par le tribunal devra alors présenter un rapport relatif aux produits litigieux et s’assurer de l’identité des fournisseurs. Le cas échéant, le juge des référés sera en mesure de bloquer la marchandise et en interdire la vente et la diffusion dans la région du Grand Beyrouth.

Il convient de souligner que le juge des référés n’a pas compétence pour accorder une quelconque indemnisation à la société D. ; si celle-ci s’estime lésée par la violation de sa clause d’exclusivité, il faudra qu’elle intente un recours devant les juges du fond pour réclamer des dommages-intérêts compensatoires.