Sous couvert de renflouer les caisses de l’État, les députés ont adopté à une belle majorité (seulement 25 voix contre) une loi de régularisation des irrégularités de construction. Ce texte “légalise” l’ensemble des infractions aux lois d’urbanisme et de la construction commises entre 1971 et 2018 en échange du paiement supposé d’amendes.

On ne s’attardera pas sur l’iniquité que représente cette absolution des crimes passés pour ceux qui ont eu la bêtise de jouer dans les règles de l’art. Ni sur l’indécence d’un troc qui voit l’État solder le respect des règles publiques – ces constructions abusives ou de mauvaise qualité mettent en péril la vie de milliers de personnes vivant, par exemple, dans les zones à risque sismique ou inondables – au profit de très vagues rentrées budgétaires.

Ce qu’il faut mettre en exergue plutôt, ce sont les besoins du Trésor désormais érigés en prétexte pour justifier les dérives de la “république marchande” libanaise. Ne nous leurrons pas : il est peu probable que l’État ne parvienne jamais à recouvrir ces nouvelles taxes dans des zones où les constructions illégales sont légion. Il faut également rappeler que ce principe de clémence est déjà très ancien. Depuis 1964, six lois ont été votées pour légaliser ces irrégularités ! Le dernier texte, adopté en 1994, avait d’ailleurs été présenté comme une loi d’exception, pour faire table rase du passé au sortir de la guerre de 1975, cette période de “non-droit”.

En transformant aujourd’hui l’exception en règle, le gouvernement crée un précédent catastrophique au message très facile à décrypter : « Pour construire, violez les règles d’urbanisme et privilégiez le passage en force. Qu’importe : une fois le bâtiment réalisé, vous n’aurez (éventuellement) qu’une amende à payer. » C’est tout le contraire de l’État de droit, c’est la politique du fait accompli, une stérilisation du droit d’accès à la justice.

Une fois de plus, les gouvernants de ce pays normalisent le chaos urbain et la laideur environnementale. Une anarchie dans laquelle certains trouvent l’impunité nécessaire pour continuer leurs petits arrangements