Toufic Aouad, directeur général de Audi Private Bank

« Défense, diversification et dynamisme »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Entre octobre et avril, les principaux indices des marchés d’actions ont suivi une courbe en “V”, dont le point le plus bas a été touché le 24 décembre. La remontée a été soutenue par le changement de ton du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, qui a fait une pause dans la hausse des taux d’intérêt. Nous anticipons désormais deux baisses de taux au cours des 12 prochains mois. 

En parallèle, le président Trump a changé de politique vis-à-vis de la Chine, bousculant les marchés qui misaient sur un accord commercial. Les deux parties semblent désormais décidées à ne pas faire de concessions. En attendant plus de clarté sur l’évolution des négociations, nous essayons, tant que possible, de ne pas investir dans des entreprises directement exposées à la guerre commerciale sino-américaine

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

Trois maîtres mots gouvernent notre approche d’investissement en 2019 : la “défense”, en privilégiant les actifs moins cycliques ; la “diversification” des classes d’actifs dans lesquelles nous investissons (particulièrement les devises et métaux précieux) ; et le “dynamisme”, crucial dans un environnement menacé par l’assèchement de la liquidité et la montée de la volatilité.

Au niveau des actions, nous privilégions les entreprises qui suivent les tendances démographiques, les avancées technologiques et les changements de comportement des consommateurs. Nous faisons aussi attention à la qualité des bilans financiers (croissance des revenus, niveau d’endettement, évolution des marges opérationnelles…). Globalement, nous favorisons les compagnies opérant dans le secteur des technologies médicales, de l’oncologie, de la 5G, du Cloud Computing, du développement de logiciels, des technologies de systèmes de paiement et de la cybersécurité.

Rami Sayegh, directeur de la banque privée de la BlomInvest Bank

« Nous préférons les actions aux obligations »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Aux États-Unis, nous recommandons des investissements dans les secteurs de la santé, du numérique, de la bionique, de la cybersécurité, de l’innovation, de la FinTech, de la sécurité, du paiement mobile et de l’intelligence artificielle. En Europe, nous conseillons plutôt les actions qui distribuent des dividendes élevés ainsi que celles des grandes compagnies d'assurances. Sur les marchés émergents, nous favorisons la Chine sur une stratégie à long terme avec une allocation progressive. L’Égypte et le Brésil doivent également être pris en compte. Une petite allocation en or est également conseillée.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

Actuellement, nous nous concentrons sur deux secteurs aux États-Unis : les services publics et l’énergie. Le secteur des services publics nous sert de protection contre les risques baissiers, et celui de l’énergie devrait bénéficier de la hausse des prix du pétrole, dans un contexte de tensions politiques au Moyen-Orient et de baisse de la production mondiale.

Globalement, nous préférons les actions aux obligations, les rendements obligataires étant à leurs plus bas niveaux depuis plusieurs années. Des actions solides offrant des dividendes convenables sont une bonne option pour les investisseurs sur le long terme. Pour obtenir des rendements plus élevés, nous recommandons également les obligations “Non-Investment Grade”, qui comportent plus de risques, mais qui peuvent être détenues par le biais de fonds ou de “ETF” plutôt que par des obligations individuelles, afin de diversifier le risque.

En parallèle, nous encourageons les investissements en capital-risque, faiblement corrélés aux marchés des actions et des obligations. Nous voyons également une opportunité d'investissement dans les programmes de dette privée (avec un rendement cible supérieur à 7 %), tout en prenant en compte l'aspect non liquide de cette classe d'actifs.

Joe Nader, directeur de l’unité de banque privée au groupe Byblos Bank

« Les actions de certaines banques cotées à la Bourse de Beyrouth sont intéressantes »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Avec l’inversement de la courbe des taux d’intérêt américains (les taux sur les obligations américaines à 10 ans étant inférieurs aux taux d’intérêt d’aujourd’hui) et la stabilité des prix du baril de pétrole malgré les tensions géopolitiques dans la région, nous nous préparons à une éventuelle récession. Les marchés traversent une zone de turbulence. Nous conseillons de rester liquide.

Au Liban, la situation s’est améliorée par rapport à 2018 après la formation du gouvernement et l’adoption du budget, mais les taux d’intérêt demeurent élevés. Dans ce contexte, nous privilégions les dépôts bancaires à court terme (un à trois mois), que ce soit en dollars ou en livres libanaises, avec la possibilité d’un renouvellement à échéance en fonction de la situation du pays. Nous trouvons également les actions de certaines banques cotées à la Bourse de Beyrouth intéressantes, avec dans certains cas des dividendes supérieurs à 10 %.

Pour ceux qui ont accès aux marchés étrangers, le marché américain reste le plus intéressant. Surtout si le président américain Donald Trump réussit à convaincre la Réserve fédérale de baisser ses taux pour soutenir la croissance de l’économie, et que les tensions commerciales, notamment avec la Chine, s’apaisent. Nous conseillons aussi les placements en actions sur les marchés européens, qui pourraient suivre la tendance haussière observée aux États-Unis, surtout dans des entreprises du secteur bancaire et des assurances.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

La Byblos Bank préconise une stratégie d’investissement à moyen terme (3 à 5 ans), qui consiste à vendre les obligations “Investment Grade”, dont les rendements sont actuellement très bas, placer les liquidités dans des dépôts à court terme et acheter de l’or.

Patrick George, directeur des investissements à FFA Private Bank

« Le marché obligataire offre des opportunités intéressantes »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Dans un contexte d’évolution des politiques monétaires, notamment de la Fed qui envisage une baisse des taux d’intérêt en 2019, le marché obligataire offre des opportunités intéressantes. Les obligations notées “Investment Grade” se sont appréciées depuis le début de l’année et représentent un investissement plutôt sûr dans un environnement de risques géopolitiques élevés.

Le marché des actions a également bien performé en 2019 dans le cadre des politiques monétaires accommodantes menées par les banques centrales.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

La division “Asset Management”, commune à nos deux entités bancaires à Beyrouth et à Dubaï, gère deux fonds obligataires. Le “International Bond Fund”, qui investit uniquement dans des compagnies bénéficiant d’une notation élevée (“Investment Grade”), a réalisé un rendement de 8,50 % depuis le début de l’année ; et le “Fixed Income Mena Fund”, qui couvre les obligations de la région Mena, a réalisé un rendement de 3,21 % depuis le début de l’année.

Quant au “Global Opportunity Investment Fund”, qui investit aussi bien en actions qu’en obligations, il a réalisé un rendement de 6,15 % depuis le début de l’année.

Ces fonds ne sont accessibles qu’aux clients classifiés “professionnels”, c’est-à-dire qui disposent d’un montant minimum d’actifs à investir et d’expérience sur les marchés. Les autres peuvent nous confier la gestion de leur portefeuille à travers des mandats discrétionnaires.

Par ailleurs, nous travaillons sur un fonds Mezzanine dédié au financement des projets d’infrastructures au Liban, dans le cadre de la CEDRE, et dans différents pays du Levant et d’Afrique, avec un objectif de rendement compris entre 10 et 14 %.

Charles Salem, directeur global de la banque privée de la Banque libano-française

« Nous privilégions les actions qui profitent de la politique accommodante des banques centrales »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Vu les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, nous ne sommes pas à l’abri d’une correction des marchés. De plus, avec la forte progression des marchés depuis janvier, certaines classes d’actifs sont surévaluées et n’incitent pas à prendre davantage de risques. Au-delà du risque induit par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, nous privilégions les actions qui profitent de la politique accommodante des banques centrales et d'une valorisation relativement favorable par rapport aux obligations. Pour des profils conservateurs, il serait plus intéressant d’investir dans des obligations “Investment Grade”. Pour des investisseurs avertis, dans le cadre d’un portefeuille diversifié et dans une logique de “buy and hold”, les obligations à haut rendement ou les obligations subordonnées redeviennent attractives et permettent d’améliorer le rendement du portefeuille. Par ailleurs, nous conseillons toujours une allocation en or pour se prémunir contre la volatilité des marchés et des éventuelles corrections.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

Nous favorisons les actions américaines et restons plus sélectifs sur le marché européen, du fait de l’instabilité de l’environnement politique. Notre fonds “LF Global Opportunities Fund”, qui a augmenté ses placements en cash depuis la montée des tensions sur les marchés, investit actuellement sur les secteurs défensifs et les actions à hauts dividendes (télécoms, biens de consommation essentiels). Il a réalisé une performance de 7,63 % à fin mai.

Sur le marché obligataire, les spreads du crédit “Investment Grade” qui avaient augmenté en 2018 semblent moins attractifs après l’amélioration du premier trimestre, mais la probabilité d’un maintien ou d’une baisse des taux de la Fed au cours du second semestre 2019 pourrait continuer à soutenir les prix. Nous investissons sur le crédit “Investment Grade” à travers notre Fonds luxembourgeois, “LF Total Return Bond Fund”, qui réalise une performance de 5,06 % à fin mai.

Nelly Ghazal, directrice de conseil en investissement et gestion de portefeuille à Saradar Bank

« Il est plus intéressant d’investir dans les actions que dans les obligations »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Nous recommandons toujours à nos clients de diversifier leurs investissements autant que possible en considérant le montant à investir, leur appétit pour le risque et leur expérience. Mais si nous devions nous focaliser sur un secteur en particulier, ce serait sur les entreprises de l’économie digitale, dont les actions devraient continuer de générer des rendements intéressants sur le long terme.

Globalement, nous pensons qu’il est plus intéressant actuellement d’investir dans les actions que dans les obligations, qui se sont renchéries. Le rendement des bons du Trésor américains est passé de 3,2  à 2,3% en 10 mois.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

Notre banque favorise les stratégies d’investissement de long terme, comme celles des fonds de pension américains par opposition aux stratégies de trading de court terme, et qui peuvent être très risquées. Nous misons sur des fonds diversifiés que nous sélectionnons avec soin. Ces stratégies visent à générer un rendement moyen de 4 à 10 % par an, selon le profil de l’investisseur sur une période de trois ans ou plus. Il s’agit d’investissements liquides, permettant à l’investisseur de se retirer en cas de besoin.

En parallèle, la banque propose des investissements “non liquides” à ceux qui peuvent se permettre d’investir sur plusieurs années, sans avoir accès au capital investi. Nous proposons des placements immobiliers à l’étranger à travers les projets de Saradar Family Office (SFO), notamment aux États-Unis, où l’on arrive à obtenir des distributions annuelles de 6 à 8 % (le rendement cible est d’environ 11 à 12 % par an). Cela permet aux investisseurs de diversifier une partie de leurs placements tout en générant un revenu annuel intéressant.

Lina Karamé Makarem, directrice générale adjointe – responsable trésorerie et marchés financiers à BBAC

« La liquidité est le maître mot »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Nous passons actuellement dans une période de tensions géopolitiques, marquée par la détérioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine, et les tensions entre les États-Unis et l’Iran. En Europe, le Brexit n’a toujours pas été conclu et l’issue du processus est encore floue. Ces incertitudes rendent les marchés internationaux imprévisibles. Si les tensions régionales se poursuivent, les prix du pétrole pourraient également grimper, dopant le résultat des compagnies pétrolières et rendant leurs actions et les fonds négociés en Bourse (ETF) intéressants. Par ailleurs, au vu de la situation, il est préférable de rester liquide et éviter des investissements à long terme. Nous recommandons d’investir dans des actions du secteur des biens de consommation courante et des technologies. Le marché des matières premières (actions et ETF), notamment l’or, est également intéressant, puisque la Fed ne prévoit pas d’augmenter prochainement ses taux d’intérêt.

Au Liban, nous ne pensons pas qu’il y ait des opportunités d’investissements intéressantes pour l’instant. Néanmoins, cela pourrait changer avec le lancement imminent de la bourse électronique qui devrait encourager les compagnies à être cotées en Bourse et attirer des investissements libanais et étrangers.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

La liquidité est notre maître mot aujourd’hui, nous y tenons. Nous investissons dans des actifs liquides de court terme (produits monétaires, certificats de dépôts et obligations d’État classées ″Investment Grade″). Ce genre de placements nous assure un rendement suffisant pour rester compétitifs sur le marché. Selon leur appétence au risque, nos clients favorisent les obligations liquides de court terme ou les actions dans les secteurs de l’énergie, des services publics, médical et pharmaceutique.

Walid Rizk, directeur à la FNB

« Au Liban, le moment est opportun pour investir »

Où faut-il investir aujourd’hui ?

Le marché américain reste le plus efficace et le plus sûr, avec des indices en hausse, mais les investisseurs doivent être sélectifs. Les banques, elles, privilégient les investissements dans des titres à revenu fixe en raison du faible risque associé.

Au Moyen-Orient, il est difficile d’anticiper dans le climat d’incertitude actuel, mais il y a des opportunités de placement dans certains pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte. 

Au Liban, on pense que le moment est opportun pour investir, puisque les rendements des bons du Trésor sont à un niveau record et que les dividendes sur les actions, notamment les actions bancaires, sont très attrayants avec une moyenne de rendement de 12 %. L’investissement dans l’immobilier, aussi, semble intéressant compte tenu de la baisse des prix de 20 à 30 % au cours des deux dernières années.

Quels placements votre banque favorise-t-elle ?

Nous préconisons un portefeuille équilibré et diversifié, tant du point de vue sectoriel que géographique. Les rendements des titres à revenu fixe sont très faibles dans les pays développés, tandis que les actions ont connu une croissance régulière accompagnée d’un rendement acceptable. On encourage les investissements dans les actions dont le cours augmente et qui offrent des dividendes intéressants.