Le Liban est en situation de « stress hydrique extrêmement élevé », selon l’Institut des ressources mondiales (WRI), mais une meilleure gestion pourrait faire reculer le risque de pénurie.

Le barrage de Chabrouh à Faraya
Le barrage de Chabrouh à Faraya

A peu près partout dans le monde, l’intégrité des écosystèmes aquatiques se dégrade, réduisant leur capacité à produire de l’eau douce potable. En cause : des prélèvements excessifs sur les eaux de surface, la pollution et, de plus en plus, le changement climatique. Dans certaines parties du monde, la consommation d’eau outrepasse désormais la capacité des ressources à se régénérer. C’est le cas de dix-sept pays, et quelque 1.7 milliard d’humains, qui selon le rapport annuel de l’Institut des ressources mondiales (World Ressources Institut - WRI) sont dans une situation de « stress hydrique extrêmement élevé ».

Parmi ces pays qui pourrait bientôt connaître des «jours zéro», soit des jours où aucune goutte ne sortira plus des robinets, le Liban. Onze autres pays de la région sont également pointés du doigt parmi lesquels l’Iran, la Jordanie, la Libye, le Koweït ou encore l’Arabie saoudite.

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Ce rapport annuel, qui existe depuis 1960, s’appuie principalement sur le taux de « prélèvements d’eau », c’est-à-dire la part de l’eau douce disponible extraite pour être utilisée. Un pays qui prélève 40 % de ses ressources disponibles est considéré en situation de « stress hydrique », et obtient un score est de 2 sur 5. Le score du Liban, lui, est de 4 sur 5, ce qui signifie que le pays consomme 80 % de ses ressources disponibles.

Baalbeck-Hermel dans la pire situation

Avec un score total de 4,817, le Liban qu’on a longtemps considéré comme le « château d’eau du Moyen-Orient », du fait de ses impressionnante réserves (2000 sources recensées, 40 cours d’eau), fait à peine mieux que le Qatar (score de 4,974) et Israël (4,820). Par région, c’est Baalbeck-Hermel qui connaît la pire situation, avec un indice de 4,92. Beyrouth s’en sortant «le mieux» avec un indice de 4,79.

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Ces très mauvais résultats ne sont pas une surprise. Ils sont en phase avec les résultats de précédentes études, qui mettaient toutes l’accent sur la menace d’une crise majeure de l’eau. En 2015, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) rappelait ainsi que le Liban affichait déjà un déficit de la balance hydraulique (écart entre les besoins et les ressources renouvelables) de 291 millions de m3. Ce déséquilibre atteindrait même 307 millions en 2020 et 610 millions en 2035 d’après une autre étude réalisée cette fois par le ministère de l’Eau et de l’Energie en 2012.

Vers une gestion intégrée des ressources

Le WRI rappelle néanmoins que 82 % des eaux usées des pays de la région ne sont pas réutilisées, et qu’une gestion intégrée des ressources pourrait faire reculer le risque de pénurie. A titre d’exemples de bonnes pratiques, le rapport du think tank américain cite les villes de Xinjiang en Chine et Washington aux Etats-Unis où des stations d’assainissement recyclent les eaux usées qui sont ensuite réutilisées pour l’irrigation ; les produits dérivés, capturés lors du traitement des eaux, pouvant même être revendus.

D’autres facteurs pourraient permettre d’éviter le pire, assure l’étude : l’amélioration des infrastructures ou la valorisation de techniques agricoles moins gourmande en ressources hydrauliques. Ainsi, la situation n’est pas fatale, et «comme n’importe quel défi, l’horizon dépendra de sa gestion», note le rapport.

"Un mixte de solutions" pour le Liban

C’est aussi l’opinion de Layale Abi Esber, consultante en environnement, spécialiste des ressources hydrauliques à l’Université américaine de Beyrouth. La situation est «mauvaise», reconnaît la chercheuse, mais le pays pourrait mettre en place «un mixte de solutions» qui fasse reculer l’échéance. Parmi ces solutions, Layale Abi Esber cite «la construction de barrages, mais aussi la désalinisation des eaux de mers, et la réutilisation des eaux usées».

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Encore faudrait-il que les crises politiques successives, qui bloquent tout avancement des projets, et la fragmentation des responsabilités dans le secteur de l’eau, principales causes des retards observés dans la mise en œuvre du plan stratégique décidé en 2000, soient réglées. Il y a urgence.