Les jolis volets bleus de la maison de Carlos Ghosn, à Beyrouth, n’avaient pas été ouverts depuis plusieurs mois. Mais mardi, c’est grands ouverts qu’ils accueillaient les quelques badauds et surtout la dizaine de journalistes, agglutinés sur le trottoir d’en face pour « voir » le fugitif le plus célèbre de cette fin d’année 2019.

Pourtant, personne ici n’a encore vu Carlos Ghosn sortir de chez lui.

De chez lui ? La maison de la rue du Liban à Achrafié n’est en réalité pas la propriété de l’ancien PDG de Renault et de Nissan, accusé de malversations financières et normalement assigné à résidence à Tokyo depuis le 25 avril dernier dans l’attente d’un procès qui était prévu pour ce printemps.

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Si lui et sa femme, Carole, l’employaient comme pied à terre lorsqu’ils séjournaient dans la capitale libanaise, cette bâtisse des années 1930, achetée en 2016 pour 9,5 millions de dollars selon des documents de Nissan, appartient  à Phoinos Investments, une structure établie en Hollande et contrôlée par une filiale de Nissan Europe.

Selon nos informations, Carole Ghosn a négocié et obtenu du constructeur japonais d’en avoir l’usage quelques années durant encore.

«Vous avez vu comment il a filé au nez et à la barbe des Japonais ? », s’amuse une habitante du quartier, croisée au Café Germanos, un estaminet à côté de l’Université Saint-Joseph. « Cet homme est intelligent…»

La manière dont il a quitté le Japon reste en effet encore très mystérieuse. Selon ce qui semble se dégager, Carlos Ghosn aurait décollé d’un aéroport de province japonais en jet privé pour finalement atterrir dans la nuit de dimanche à lundi à l’aéroport Rafic Hariri après une escale en Turquie.

On ignore quel passeport il a utilisé, les siens (il détient les passeports français, brésilien et libanais) étant supposés sous la responsabilité de ses avocats japonais. Les autorités libanaises ont assuré qu’il avait pénétré légalement sur le territoire national et qu'il ne ferait l'objet d'aucunes poursuites, le Liban n’ayant jamais signé de traité d’extradition avec le Japon.

«C’est vraiment le cadet de mes soucis », tempête un autre de ses voisins. « Nous vivons dans un pays en faillite et vous voudriez que l’arrivée de Carlos Ghosn au Liban me fasse quoi que ce soit ?»

Comme lui, beaucoup des riverains prennent l'arrivée du plus célèbre des businessmen libanais mi-figue mi-raisin. «Cela tombe bien : on était en panne de ministres pour former le prochain gouvernement. Je suis sûr qu’ils vont lui proposer un poste», ironise un autre, faisant ici allusion à la corruption endémique des élites libanaises. «Au final, il a le bon profil».