Le problème – Monsieur R. a loué un appartement à Achrafié en janvier 2018 pour une durée de trois ans. Son contrat de bail prévoit le paiement d’un loyer annuel de 24 000 dollars. Étant donné les circonstances difficiles que traverse le pays, il préfère acquitter le loyer de 2020 en livres libanaises, mais le propriétaire de l’appartement exige le paiement en devises tel que prévu initialement dans le contrat signé en 2018 par les deux parties. Monsieur R. voudrait savoir s’il est en droit de refuser de payer son loyer en dollars. 

Le conseil de l’avocat –
Il n’existe pas actuellement dans la législation libanaise une réglementation claire exigeant l’acceptation du paiement en monnaie nationale. Certaines dispositions législatives font référence au paiement en devises nationales, notamment l’article 5 de la loi n° 659 du 4 février 2005 relative à la protection du consommateur qui impose que les prix des marchandises soient affichés en livres, soit sur les produits eux-mêmes, soit dans les rayons où ils sont placés. En outre, l’article 1 du Code de la monnaie et du crédit (CMC) promulgué par le décret n° 13513 du 1/8/1963 dispose que « la livre libanaise est la devise nationale officiellement utilisée au Liban ». Enfin, selon l’article 7 du CMC, les titres monétaires ont un pouvoir libératoire général et illimité sur l’ensemble du territoire libanais. Ce pouvoir libératoire définit la nature de la monnaie nationale qui libère son utilisateur de sa dette. Dès lors que la monnaie nationale a un pouvoir libératoire, le paiement par ce moyen ne peut être refusé par un créancier ou, en l’occurrence, par le propriétaire d’un bien-fonds loué. 

Par ailleurs, l’article 192 du CMC comporte des dispositions très claires en ce sens, et applique à ceux qui refusent l’acceptation de la monnaie nationale les sanctions prévues à l’article 319 du code pénal, à savoir une peine d’emprisonnement allant de six mois à trois ans et le paiement d’une astreinte comprise entre 500 000 et deux millions de livres. Tout créancier devrait donc pouvoir valablement acquitter sa dette en livres libanaises qui est la devise officielle. 

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La législation relative aux baux immobiliers, quant à elle, ne contient pas de dispositions spécifiques concernant la devise utilisée pour le paiement des loyers. Bien que la majorité des baux anciens prévoient un paiement en livres libanaises, beaucoup de contrats de location conclus sous l’empire de la nouvelle loi prévoient un paiement en dollars. 

Cependant, si le propriétaire refuse l’acquittement du loyer en livres, l’article 43 de la loi n° 2/2017 réglementant les baux immobiliers autorise le locataire à déposer et consigner le montant des loyers chez le notaire se trouvant dans la même circonscription que le bien-fonds. Une autre option serait l’envoi dans les délais impartis par la loi du montant du loyer par la poste par lettre recommandée avec accusé de réception au lieu d’élection de domicile du propriétaire. Dans ces cas, l’acquittement du loyer par l’une de ces deux méthodes devient obligatoire dans un délai de deux mois courant à partir de la notification de la mise en demeure relative au paiement des loyers au cas où le propriétaire refuse le paiement directement. L’obligation de traiter avec la livre libanaise devrait s’étendre également aux rapports des experts assermentés nommés par les tribunaux afin d’évaluer les appartements et sur lesquels les commissions créées par la nouvelle loi sur les loyers doivent se baser pour payer les indemnités aux propriétaires à la place des locataires. D’ailleurs, le comité des propriétaires de logement a appelé récemment ces derniers à accepter le paiement des loyers en livres au taux de conversion officiel, étant donné que l’accès au dollar américain sur le marché libanais est fortement limité. 

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À la lumière des textes précités, il semble qu’un paiement du loyer en monnaie nationale ne peut être refusé. Mais si le taux de change officiel reste toujours en vigueur et cela depuis 1997, la livre s’échange déjà avec une décote non négligeable sur le marché parallèle des bureaux de change. Par conséquent, les propriétaires qui perçoivent le loyer en monnaie nationale et au taux officiel se retrouvent fortement affectés par l’instabilité économique et la dépréciation continue de la monnaie nationale.