« Nous ne ferons pas obstacle à un budget préparé par le gouvernement précédent », a dit Hassane Diab aux quelques députés venus voter le budget ce 27 janvier.
Celui qui dit incarner la rupture s’est inscrit sans broncher dans la continuité de ses prédécesseurs, présentant le vote du budget comme une simple formalité, une obligation légale – à laquelle l’ancien ministre de l’Éducation n’avait pourtant eu aucun problème à se soustraire entre 2011 et 2014.
Comme si les chiffres n’avaient aucune importance, qu’ils ne sont pas la traduction des orientations du gouvernement en matière de politique économique. Comme si la crise, d’une violence inouïe, n’imposait aucune mesure d’urgence, aucun arbitrage. Comme si rien ne s’était passé depuis le 17 octobre.

Dans une séquence inédite, l’exécutif s’est engagé à respecter un budget qui ne reflète pas sa propre feuille de route, tout en promettant une déclaration de politique générale inspirant « confiance aux Libanais et à la communauté internationale ».
Les Libanais n’en sont plus là. Ils se souviennent encore de la liste interminable de réformes annoncées par le gouvernement Hariri, dont si peu, pour ne pas dire rien, n’a été mis en œuvre. Un échec que se renvoient les acteurs d’un système politique miné par le confessionnalisme et le clientélisme. Ce système, basé sur des pactes de corruption et des marchandages permanents entre ses différentes composantes, le cabinet Diab, aussi compétent soit-il, en est otage. D’où la revendication d’un gouvernement transitoire, indépendant et doté de prérogatives exceptionnelles, à laquelle le pouvoir n’a pas voulu céder.

Faut-il pour autant souhaiter la chute de ce gouvernement ? Les Libanais ne demandent qu’à croire à la possibilité pour la nouvelle équipe de s’affranchir des intérêts particuliers pour répartir le fardeau de la crise de manière équitable, jeter les bases d’un modèle économique viable et bâtir un État digne de ce nom. Ils ne demandent qu’à renouer avec l’optimisme nécessaire pour sortir du cercle vicieux, retrouver la confiance dans les institutions et l’espoir d’un avenir meilleur. Mais si la réalité finit par s’imposer, le mieux qu’on puisse souhaiter au cabinet Diab est d’avoir la lucidité et le courage d’arrêter de gagner, ou plutôt perdre, du temps.


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