Fallait-il, dès l’apparition du premier cas de coronavirus, suspendre les vols vers l’Iran ou ménager les susceptibilités du Hezbollah ? Donner les rênes à l’armée ou compter sur le civisme, légendaire, du peuple libanais ? Préserver l’accès aux soins ou privilégier le besoin de se nourrir ? 

Partout dans le monde, les États sont confrontés à des arbitrages délicats, entre risques sanitaires et impératifs économiques, auxquels s’ajoute une dimension particulière au Liban. Une dimension politique, qui soulève une question fondamentale : la finalité de l’action publique. Autrement dit comment le gouvernement Diab a-t-il tranché, selon quels critères ? 

Dans la plupart des pays occidentaux, la réponse est simple : l’État agit au nom de l’intérêt général, duquel il tire sa légitimité. Mais quand l’État est basé sur le confessionnalisme, et donc la défense des intérêts communautaires, les citoyens ne peuvent que douter, à tort ou à raison, du bien-fondé des décisions prises par ses représentants. 

D’autant que ce système, qui plus est clientéliste, a entraîné le pays dans un gouffre financier qui amplifie la crise sanitaire et complique sa gestion. 

Comment s’approvisionner en matériel médical quand on n’a plus de dollars ? Comment équiper des hôpitaux publics quand on a passé des années à les détruire ? Comment protéger les plus démunis quand les caisses sont vides ? Comment demander une aide internationale quand on est incapable de s’aider soi-même ?

Tout ce que l’État a trouvé à faire est de demander aux Libanais d’être ce que lui-même n’a jamais été : solidaires. Son appel aux dons permet au passage aux politiciens de passer pour des âmes charitables, et renforcer leur emprise sur une population de plus en plus démunie.

La pandémie suscite des réflexions dans le monde entier sur le modèle économique, les priorités en matière de politiques publiques, le rôle de l’État... Le Liban doit lui aussi tirer les enseignements de cette énième crise, et déplacer le débat sur la nécessité d’un état d’urgence à l’urgence d’un État digne de ce nom. 


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