«C’est un Uber du recyclage, plus de problème d’adresse, plus de problème de timing. En un clic, une moto vient récupérer vos déchets.» C’est ainsi que Georges Bitar décrit l’application Live Love Recycle qu’il a lancée en 2018. Propulsée sur le devant de la scène lors des premières manifestations en octobre, avec ses trois roues bicolores qui ramassait les déchets place des Martyrs, l’application a enregistré une hausse de 25% des demandes ces six derniers mois, et dessert désormais 5 000 foyers.

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«L’objectif n’était pas de faire de la publicité, mais simplement d’agir auprès des gens», se justifie le jeune entrepreneur. L’opération a toutefois dû être arrêtée au bout de trois semaines. «Ce n’était plus tenable, notre présence sur place a provoqué un pic d’activité pour un budget trop restreint», ajoute-t-il.

Avec son service gratuit, limité à quatre collectes par mois par foyer, l’application survit grâce à la vente des déchets ramassés, facturés à 250.000 livres libanaises en moyenne la tonne aux entreprises de recyclage. Avec vingt tonnes collectées par mois, la société génère environ 3.000 dollars, un montant insuffisant pour rémunérer sept collecteurs à temps plein et huit autres à temps partiel. Le déficit était jusque-là comblé par les quelque 52 000 dollars levés en février à travers le financement participatif.

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Mais face à l’explosion de la demande, Georges Bitar a décidé d’investir 150.000 dollars pour développer l’application, et de renoncer à sa gratuité. La nouvelle version, programmée pour juillet 2020, imposera des frais de 3.000 livres libanaises par collecte, ou 10.000 livres pour quatre collectes par mois. «Cela nous permettrait de payer le conducteur, son essence, l’assurance et le dépôt en centre de tri», justifie son gérant.

En contrepartie, Live Love Recycle promet la prise en charge davantage de matériaux. «Tout ce qu’on ne pouvait pas récolter pour des raisons économiques sera maintenant accessible. Le verre, par exemple, n’est plus recyclé à Beyrouth depuis le bombardement de la dernière usine en 2006. Avec de nouveaux revenus, nous pourrons aller à Tripoli pour le recycler», explique Georges Bitar. L’entreprise gagnerait aussi en efficacité.

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« Jusqu’ici, tous les collecteurs travaillaient dans Beyrouth. Plus tard, chacun aura une zone spécifique, et nous pourrons passer de 20 collectes par jour par employé à 30 ou 35.» Le service sera également ouvert aux entreprises.

À trois mois du lancement, la plate-forme finalise les modalités de paiement. «Nous passerons probablement par des plates-formes locales», explique Georges Bitar.

Les collectes de l’appli resteront moins chères que celles des ONG comme Arcenciel, à 16 dollars, ou Recycle Beirut à 10.000 livres. «Nous sommes aussi plus flexibles. Il suffit de nous appeler pour que l’on vienne récupérer les déchets chez vous», ajoute Georges Bitar. Plutôt que leur concurrent, le jeune entrepreneur aime toutefois se présenter comme un partenaire. «À terme, les associations pourraient aussi utiliser Live Love Recycle pour collecter. Plus il y a d’opérateurs qui recyclent, mieux c’est», conclut Georges Bitar.