Les établissements privés réservent 350 lits afin de soulager les hôpitaux publics.


Les difficultés d’approvisionnement sont liées davantage à une pénurie de matériels dans le monde qu’à des problèmes budgétaires
Les difficultés d’approvisionnement sont liées davantage à une pénurie de matériels dans le monde qu’à des problèmes budgétaires dr

Quinze hôpitaux privés, répartis sur l’ensemble du territoire, ont accepté de fermer leurs cliniques extérieures et de repousser l’ensemble des interventions chirurgicales qu’ils avaient programmées. Parmi eux, les quatre grands hôpitaux universitaires que compte le Liban. Seules les urgences et les interventions pour des malades chroniques ou en cancérologie ont été maintenues.

Objectif : soulager l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, promis à une sollicitation extrême ces prochaines semaines avec un nombre important de patients atteints par le Covid-19 à prendre en charge dans ses services de réanimation et permettre à la dizaine d’autres hôpitaux gouvernementaux réquisitionnés de mettre leurs personnels soignants et leurs équipement à niveau.

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«On a dégagé 300 à 350 lits dans le secteur privé», se félicite Sleiman Haroun, le président du Syndicat des hôpitaux privés. Un nombre qu’il juge pour l’heure suffisant au regard des 12.000 lits qu’aligne le secteur privé au total. «Avec les quelque 300 lits disponibles dans le secteur public, c’est une première ligne de défense. Après, si ce front est débordé, nous dédierons intégralement certains hôpitaux privés», ajoute-t-il. A Beyrouth, deux cents lits de réanimation et de soins critiques seraient disponibles en tout pour prendre en charge les malades du Covid-19.

Un personnel pas assez protégé

«Nous sommes très fiers d’assurer notre part dans ce combat», se félicite le directeur exécutif de l’hôpital universitaire Lebanese American University Medical Center – Rizk Hospital (LAUMC-RH), Sami Rizk. Mais il se dit aussi très inquiet quant au manque de matériel de protection (blouses jetables, masques, lunettes, gants…) à destination du personnel soignant. «On fait face  à d’énormes difficultés pour protéger nos salariés», ajoute-t-il.

Car si le Premier ministre Hassane Diab a annoncé avoir débloqué une enveloppe de 600 millions de dollars pour aider les hôpitaux à se procurer différents matériels, cela ne change rien aux difficultés d’approvisionnement, liées davantage à une pénurie de matériels qu’à des problèmes budgétaires. «En fait, nos fournisseurs ont cessé d’exporter. Ils conservent leurs produits pour subvenir aux besoins des services médicaux de leurs pays respectifs», rappelle Sleiman Haroun.  

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«Nous manquons déjà», témoigne Sami Rizk. Les pénuries sont déjà sensibles pour ce qui concerne les masques, les combinaisons de protection, et les écouvillons qui nous servent à collecter l’échantillon de mucus pour réaliser le test… » Du coup, les hôpitaux privés ont recourt au marché noir où les prix flambent. «Un masque jetable à trois plis coûtait 0,02 dollars la pièce ; aujourd’hui il se négocie à 0,23 dollars, payable qui plus est en cash à la livraison», relate Sleiman Haroun.  

Par conséquent, le personnel soignant n’est pas suffisamment protégé. «On est censé changer de masque toutes les trois ou quatre heures. On n’en a pas assez. On change seulement une fois par jour», atteste une infirmière sous couvert d’anonymat. A terme, ce manque pourrait remettre en cause l’ouverture des certaines unités Covid-19. «Si nous n’avons pas l’équipement de protection nécessaire pour les salariés, nous ne pouvons pas traiter les malades», martèle Sleiman Haroun.

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La situation est d’autant plus inquiétante qu’il existe pas ou peu d’alternatives locales. Lorsqu’un industriel libanais peut suppléer, ses prix peuvent s’avérer bien au-dessus de celui des produits importés. «Une seule société fabrique des masques chirurgicaux jetables, et elle les facture 90 000 livres libanaises (60 dollars au taux officiel, NDLR) la boîte de 50, soit presque deux dollars l’unité, quand auparavant ce produit ne dépassait pas le deux cents», relate Sleiman Haroun. Plusieurs initiatives ont toutefois été annoncées récemment par des industriels libanais, qui sont encore en phase d’expérimentation, notamment pour la production de ventilateurs.

Car le manque ne se situe pas qu’au niveau du matériel de dépistage et de protection. Pour ouvrir davantage de lits de réanimation, les hôpitaux privés et publics auraient aussi besoin de davantage de respirateurs. «Si on en compte 900 dans le pays, on peut estimer à 300 le nombre de réellement disponibles pour les malades du Covid-19. Nous pourrions avoir besoin du double», affirme Sleiman Haroun. La question est de savoir si les essais en cours aboutiront à temps pour permettre au secteur hospitalier d’affronter le pic de l’épidémie, prévu vers la mi-avril.