Pour Lina Abou Mrad, directrice de la santé numérique au ministère de la Santé, les outils de suivi de contacts, que ses services sont en train de développer, doivent les aider à retracer les interactions des malades du Covid-19 afin d’identifier d’autres malades potentiels.

Lina Abou Mrad est directrice de la santé numérique au ministère de la Santé
Lina Abou Mrad est directrice de la santé numérique au ministère de la Santé
Comment le ministère de la Santé assure-t-il le suivi des malades ?

La mise en place d’outils de traçabilité des malades ou des personnes qui ont pu être en contact avec eux a été généralisée au moment du retour des 2.600 premiers expatriés libanais. A cette occasion, les services du ministère de la Santé ont mis en place un protocole de suivi de trente jours pour les malades et de quatorze jours pour les personnes ayant simplement été en contact avec des patients du Covid-19. Aujourd’hui, nous suivons environ 1.500 personnes placées en quarantaine chez elles dont 500 personnes sont effectivement malades. Les autres sont confinés à domicile par précaution. Les personnes, qui figurent dans cette procédure de suivi, ont toutes été testées au démarrage du protocole. Elles ont ensuite reçu des codes personnels pour s’inscrire à la base de données de suivi du ministère. Chaque jour, elles doivent se connecter à nos services et remplir un formulaire qui fait le bilan de leur état de santé physique et psychologique ainsi que de leur situation sociale. Elles ont également accès un service virtuel de soins qui peut leur prendre rendez-vous avec un spécialiste si besoin est. L’idée étant de ne laisser personne seul face à la maladie.

Avez-vous fait face à des difficultés ?

D’une manière générale, l’implication des personnes que nous suivons est remarquable. Toutes font preuve d’un vrai sens des responsabilités et respectent le confinement. Toutefois, certaines ont plus de difficultés que d’autres avec la technologie. C’est pourquoi, d’ailleurs, en parallèle de ce suivi à distance, nos services assurent également des contacts téléphoniques. Nous envisageons en outre de leur fournir un support technique plus poussé avec l’aide de bénévoles de la société civile. Quelques personnes se sont également insurgées contre la géolocalisation que nous utilisions : au moment où elles rentraient leurs informations dans la base de données, nous leur demandions en effet de nous indiquer leur lieu de résidence. On a tenu compte de ces remontées et aujourd’hui la géolocalisation n’est plus obligatoire. Elle est laissée à l’appréciation de chacun.

Que faites-vous des informations collectées ?

Ces informations sont confidentielles et strictement réservées au département de suivi épidémiologique du ministère de la Santé. Toutefois, nous partageons certaines des données avec les services décentralisés du ministère dans les cazas. A charge pour ces derniers de transmettre les informations qu’ils jugent utiles aux municipalités. Ce maillage du territoire permet, par exemple, de prévenir une municipalité que l’un de ses concitoyens a besoin d’un médecin, d’un médicament ou de quelqu’un qui lui fasse ses courses…

Vous avez récemment mis en ligne un Chatbot WhatsApp. Avez d’autre projets technologiques ?

Je dois dire que nous bénéficions d’un extraordinaire élan de solidarité. L’ensemble de la communauté est derrière nous : de jeunes étudiants, des ingénieurs chevronnés, les directions des universités, et même des entreprises, qu’elles soient locales ou internationales… Cela nous permet de développer des outils ambitieux rapidement.

Depuis le début de l’épidémie, nous avons ainsi mis en ligne une dizaine d’outils numériques. Parmi eux, le « Covid-19 symptom checker » disponible en arabe et en anglais, accessible sur le site du ministère ou téléchargeable sous Android et iOS. Cet outil d’autodiagnostic a déjà reçu 45.000 visiteurs uniques depuis son lancement début avril. Plus récemment, nous avons également lancé un « chatbot corona », développé en partenariat avec WhatsApp et des étudiants de l’Université libanaise.

Destiné au grand public, il donne l’information la plus pertinente sur la propagation de la maladie, ses traitements possibles ou la situation au Liban. A ce jour, quelque 150.000 personnes s’y sont inscrites. Nous prévoyons enfin de sortir dans très peu de temps une application mobile de "suivi de contacts" à la manière de StopCovid en France. Celle-ci s’appuie sur les technologies GPS et Bluetooth et est destinée à la phase de testing généralisée qui doit se mettre en place incessamment sous peu. Ce sont les équipes du ministère qui ont élaboré l’algorithme. Des tests sont encore en cours, mais elle devrait sortir d’ici quelques jours.