En fait, on commence à connaître le mécanisme (voir le CDL de novembre 2001 – et les dizaines d’interventions du ministre). Mais ceci ne nous empêchera pas de revenir à la charge,
avec un schéma plus global des deux cas les plus fréquents commentés par un juriste fiscaliste.
«Selon le ministre des Finances, 145 jours auraient été nécessaires pour former une équipe de fonctionnaires, diplômés en fiscalité. Alors que la loi accorde près d’un mois aux particuliers et aux agents économiques, étrangers aux questions fiscales, pour comprendre et appliquer la TVA», remarque, de prime abord, Karim Daher, avocat en droit des affaires et fiscalité.
TVA à l’importation
En fait, la loi instaure, sans le dire vraiment, deux régimes de TVA : le régime douanier et l’interne. La TVA à l’importation suit la réglementation du code des douanes, et se paie auprès de l’administration compétente. Les importations sont imposables, selon la nature du bien, qu’elles soient réalisées par des assujettis ou des non-assujettis. L’importateur s’acquitte de la TVA immédiatement au moment du retrait de la marchandise au port ou à l’aéroport, même si elle n’est vendue que beaucoup plus tard – ou pas du tout. Donc, il avance le montant de la TVA. Par ailleurs, la base d’imposition comprend le prix des biens auquel s’ajoutent tous les frais accessoires comme le fret et les droits de douane. «La surtaxe (paiement de la TVA sur les droits de douane) vise tous les produits importés non exemptés, dans la mesure où la loi ne prévoit aucune dérogation. Donc, les prix à l’importation ont déjà automatiquement augmenté de 10 %», ajoute M. Daher.
L’importateur se trouve dans une situation délicate. Il s’acquitte de la TVA sur une marchandise pas encore vendue et qu’il n’est pas sûr de vendre. «C’est vrai que la loi prévoit des modalités de remboursement en cas de non-vente, déterminées par décret d’application. Mais, la procédure de remboursement est longue et complexe. L’importateur devra présenter sa demande. L’administration a trois mois pour y répondre. Passé ce délai et en cas de silence de l’administration, les taux d’intérêt légaux courent en faveur du demandeur. Si un désaccord persiste entre l’administration et l’importateur, la décision peut être contestée dans un délai de 6 mois auprès d’une commission ad hoc. Celle-ci a 6 mois pour statuer. Dans le cas où l’importateur n’est toujours pas satisfait, il doit alors saisir le Conseil d’État», explique M. Daher. «Donc, en fin de compte, l’importateur pourrait attendre près de 2 ans une décision concernant sa demande de remboursement, d’autant plus qu’il n’est pas garanti qu’il puisse récupérer la TVA indue, l’État étant mauvais payeur ces temps-ci», ajoute-t-il.
En définitive, l’importateur est contraint d’augmenter ses prix pour couvrir ce manque à gagner.
Entreprises non résidentes : lors de leurs opérations d’importation, les entreprises non résidentes sont soumises automatiquement à la TVA douanière. Par contre, si elles réalisent des prestations de services au Liban, elles devront nommer un représentant au Liban, solidairement et conjointement responsable, qui sera tenu de s’acquitter de la TVA en leur nom. Le représentant devra tenir un compte à part pour les non-résidents.
Sinon, l’entreprise locale, qui aura traité avec ces structures étrangères non résidentes, sera tenue au paiement de l’impôt avec des pénalités. Pour les entreprises non résidentes, la loi ne tient pas compte du chiffre d’affaires. Toutes les opérations effectuées au Liban sont soumises à la TVA.
TVA interne
Comment se fait maintenant le calcul de la TVA pour les opérations à l’intérieur du pays ?
• Première étape, la question à poser est la suivante : l’entreprise (personne morale ou physique) est-elle assujettie ? La loi prévoit deux conditions cumulatives pour qu’une entreprise soit assujettie : une activité commerciale (livraisons de biens et prestations de services), sauf exceptions, et un chiffre d’affaires sur l’exercice comptable supérieur à 500 millions LL. Toutes les opérations doivent être prises en compte dans le calcul du chiffre d’affaires, aussi bien les imposables que les exemptées. Ces entreprises sont soumises d’office à la TVA et doivent s’immatriculer auprès du ministère des Finances avant le 1er février, même si leurs activités n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA. Dans ce cas, l’administration inscrit le taux 0 %.
Par ailleurs, la loi prévoit un régime optionnel pour celles qui réalisent un chiffre d’affaires entre 150 millions et 500 millions LL. Ces entreprises ont-elles intérêt à demander leur assujettissement à la TVA ?
Ces entreprises seront obligées de déclarer réellement leurs revenus. La difficulté réside pour celles qui ont procédé à de fausses déclarations de revenus, pour échapper à l’impôt sur les bénéfices, au cours des années précédentes. Une fois soumises à la TVA, ces entreprises pourront difficilement frauder, dans la mesure où la facture du fournisseur sert de justificatif pour la déduction. «Donc personne n’a intérêt à être complaisant avec ses partenaires commerciaux», note M. Daher.
Dans ce cas de figure (non-déclaration du chiffre d’affaires réel), l’entreprise a-t-elle intérêt à être soumise à la TVA ? C’est vrai qu’il existe une loi sur la régularisation de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (la loi vient d’être promulguée). Mais, en cas de fraude, l’administration a la possibilité de contrôler les comptes et d’imposer d’office une amende, d’autant plus que les délais de prescription de 4 ans ont été annulés.
Une étude au cas par cas doit être faite. «Quel est le cycle économique de l’entreprise ? Qui sont ses fournisseurs et clients ?».
Dans le cadre du cycle économique, plusieurs cas de figure sont à envisager : soit les deux entreprises (qui traitent ensemble) sont assujetties à la TVA, soit aucune, soit l’une d’elles.
1er cas – Les deux entreprises sont assujetties à la TVA. L’opération est neutre. Chacune payant et récupérant la TVA. Le rôle de l’entreprise se limite à celui d’un collecteur pour le compte du Trésor public.
2e cas – Les deux entreprises sont exemptées de la TVA (chiffre d’affaires moins que 500 millions LL). La société soumise au régime optionnel n’a pas alors intérêt à demander son assujettissement. Car, elle sera amenée à facturer 10 % de plus à ses partenaires. Ces derniers, considérés comme consommateur final, supporteront la taxe sans possibilité de restitution.
3e cas – L’entreprise traite indifféremment avec des partenaires soumis et exemptés. Elle doit dresser un bilan comptable complet de ses partenaires et étudier l’intérêt à être assujettie ou exemptée.
Par ailleurs, pour les entreprises assujetties, la TVA est déductible des factures de consommation d’eau, d’électricité et de téléphone. En effet, la loi prévoit que la taxe municipale de 10 % sera remplacée par la TVA. Comme les entreprises peuvent récupérer la TVA, le résultat in fine est positif. En outre, l’entreprise a un avantage de trésorerie, puisqu’elle conserve pendant trois mois le montant de la taxe collectée qu’elle ne paie que dans les 20 jours qui suivent la période.
Par contre, «pour être en règle avec la TVA, l’entreprise devra engager un comptable, faire suivre des formations aux employés concernés, installer un nouveau système informatique. Toutes ces charges seront répercutées sur les prix. Et, les petites entreprises seront obligées d’avoir une tenue régulière des livres et des comptes», estime M. Daher.
• Deuxième étape : les entreprises devront respecter la législation.
En définitive, les entreprises doivent se décider et s’immatriculer au plus tard au 31 janvier, date à laquelle des pénalités sont imposées.
- En cas de non-enregistrement, l’entreprise est soumise à une pénalité de 2 millions LL pour retard d’immatriculation.
- En cas de non-paiement de la TVA dans un délai de 20 jours de la période fiscale – pour le moment 3 mois –, l’entreprise est soumise à une pénalité : 3 % par mois de retard sans limite, pour non-paiement dans les délais.
- Dans le cas du retard dans le dépôt de la déclaration périodique (trimestrielle), l’amende est de 10 % de la taxe due, par mois de retard, plafonnée à deux fois le montant.
Les grandes entreprises ou celles qui sont connues de l’administration fiscale devront être prudentes. Même si elles se scindent en plusieurs entités, l’administration a la faculté d’appliquer le principe de “groupe de sociétés” liées par un intérêt commun et donc de les soumettre à la TVA avec une pénalité.


