On n’a pas fini de jaser sur les illusions et désillusions de l’Internet, considéré il y a deux ans
encore comme la vache à lait du futur. Aujourd’hui, les internautes sont de plus en plus nombreux,
mais le cash-flow ne suit pas toujours.

Dans les affaires, Internet se présente bien comme un outil d’information de premier plan, offrant aux entreprises de nombreux services interactifs : marketing en direct, publicités, affiches commerciales, tarifs, documentations techniques, bases de données à valeur ajoutée, etc.
Pourtant, tout le monde n’est pas content. Le français Vivendi et l’allemand Bertelsmann viennent de se désengager en même temps de l’Internet, considéré comme une “machine à perdre de l’argent” ! Bertelsmann, après la vente de BOL, le site lancé en 1999 dans six pays pour concurrencer Amazon, entame la réorganisation de sa division DirectGroup, hébergeant les activités de commerce électronique, autour de son métier traditionnel : les clubs de livre. Même si la vente de parts dans la librairie en ligne Barnesandnoble.com n’est officiellement pas à l’ordre du jour, il est donc clair que l’Internet n’est pas au plus fort de la stratégie de Bertelsmann. Il a ainsi rejoint l’analyse de Vivendi Universal, qui vient de céder sa participation dans le site-portail Vizzavi à Vodafone, estimant qu’il ne s’agissait pas d’un actif stratégique pour lui. Le groupe français tourne la page sur près de 500 millions d’euros investis depuis juin 2000 dans un portail “multi-accès” qui entendait au départ concurrencer Yahoo!
Ces défections simultanées des deux grands groupes de communication rappellent l’époque illusoire d’une explosion rapide du commerce électronique qui justifiait l’importance des investissements consentis. Aujourd’hui, c’est la réalité des déficits d’exploitation et, dans le cas de Vivendi, l’urgence du désendettement qui commandent que l’on arrête les frais après seulement deux ou trois ans. Mais à part les erreurs passées de Bertelsmann et de Vivendi Universal, l’Internet est toujours là, avec toujours plus d’internautes et quelques entreprises qui commencent malgré tout à gagner de l’argent.

Haut débit rentable

C’est le cas de Wanadoo (France), en passe de réaliser ses objectifs. Pour la première fois de son existence, il déclare un résultat d’exploitation positif au premier semestre de l’année. Il ressort à 28 millions d’euros, après une perte de 54 millions un an plus tôt. Son chiffre d’affaires a progressé de 33 %, à 918 millions d’euros. L’accès au Web via le fournisseur de services Wanadoo a en particulier stimulé la croissance, alors que la publicité sur les portails pâtissait d’une conjoncture dégradée. Wanadoo a, en outre, confirmé ses objectifs sur deux ans, notamment un résultat positif en 2002, un équilibre en 2003 pour le segment accès, portails et commerce électronique ainsi qu’un cash-flow opérationnel positif. Le groupe espère toujours atteindre le million d’abonnés au haut débit d’ici à la fin de cette année contre 866 000 à la fin de juillet.
Outre-Atlantique, plus de deux ans après la mégafusion, AOL Time Warner doit maintenant déchanter. Sa division Internet souffre toujours de la faiblesse de ses recettes publicitaires. En juillet dernier, America Online, le premier fournisseur d’accès à l’Internet au monde, espérait osciller autour de 2 milliards $ de recettes publicitaires. Aujourd’hui, le montant de la “Pub en ligne” risque d’être inférieur à 1,6 milliard. Et pour les services, il ne parvient guère à doper ses ventes en espérant aiguiller ses quelque 34 millions d’abonnés vers les abonnements au haut débit, plus chères.
Au pays du Soleil Levant, le géant de l’Internet, Softbank, se bat pour sa survie : son propriétaire Masayoshi Son doit changer de cap. Il s’était offert une banque et un marché financier : rien de moins que le Nasdaq Japan, pour mieux illustrer son rôle de passeur entre les États-Unis et le Japon. Nasdaq Japan fournissait entre autres un débouché de choix pour les centaines de start-up encouragées par Softbank. Deux ans plus tard, le bateau chavire : Nasdaq décide de liquider sa filiale au Japon, qui accumule les pertes. Softbank, qui en détient 43 %, perd dans l’affaire 1,2 milliard de yens (plus de 10 millions d’euros) mais surtout une partie de sa crédibilité. Softbank doit aujourd’hui faire face à 210 milliards de yens d’obligations arrivant à maturité d’ici à 2007. Or, le groupe, dont la dette a été déclassée par les agences de notations, n’a plus la même facilité pour lever des fonds. Comme toutes les révolutions, la numérique est prise parfois en flagrant délit en train de bouffer ses fils.