C’est l’heure de la transparence qui a sonné, de sorte que personne ne peut plus se prévaloir d’une quelconque “confidentialité”, aussi minime soit-elle. En voici 2 ou 3 exemples bancaires, d’autant plus “révélables” qu’il s’agit d’argent public. De vos impôts. Des sources fiables nous fournissent des précisions.

Finance Bank
Cette banque d’investissement est contrôlée
indirectement par l’État du moment où
son principal actionnaire est la société
Intra, qui est détenue majoritairement par
le secteur public. Finance Bank n’a pas de
problème financier majeur puisqu’elle
dégage des bénéfices qui contribuent à
l’assainissement financier d’Intra et à la
réduction de ses dettes accumulées. Il
n’empêche qu’elle souffre de quelques-uns
des maux étatiques, illustrables par ces
observations :
1) À l’instar de beaucoup de départements
étatiques, elle est décrite par le milieu bancaire
comme ayant une administration
«foncièrement désorganisée» – rien à voir
Une banque à vendre
Maintenant que la loi sur les fusions est
de nouveau en vigueur, on s’attend à ce
qu’une banque, plutôt petite, de la place
soit prochainement mise en vente.
Il s’agit d’une banque qui souffre d’un
ratio de solvabilité assez bas, qui ne fait
plus de profit, qui risque même de perdre
de l’argent en 2005. Le PDG a été convoqué
à la BDL : il devra injecter de l’argent
frais et accepter de nommer quelques
cadres dirigeants compétents.
À terme, la banque, qui est sous la loupe
des autorités monétaires depuis 3 ans, est
“sauvable”, mais il y a de fortes chances
qu’elle soit absorbée par un autre établissement,
et comme d’habitude sans
aucun risque pour les déposants. Son
portefeuille “crédits” n’est pas de mauvaise
qualité, bien qu’elle ait parmi ses
clients des politiques libanais influents,
plus quelques Syriens. Mais ces derniers
sont de vrais hommes d’affaires sans couleur
politique. en tout cas avec les normes dans le secteur
bancaire libanais. Cette administration est
d’ailleurs assez politisée car deux de ses
dirigeants les plus influents se réclament
respectivement du mouvement Amal et de
la présidence de la République. Leur puissance
est telle que les dossiers de crédit de
grande envergure, qui devraient être normalement
soumis à l’actionnaire principal,
le sont rarement. Du côté des placements,
la banque souffre d’un “mismatching” sur
les échéances car elle a une forte position
sur les eurobons à long terme – ce qui est
à l’origine d’ailleurs de ses profits –, mais
ce n’est pas si grave puisque c’est l’État
émetteur qui garantit ces placements, en
plus de l’Intra-Banque centrale.
2) Cependant, ses facilités de crédit au
secteur privé sont parfois politisées. Un des
exemples est la ligne ouverte de crédit en
faveur d’une société d’entreprise qui réalise
une bonne partie des projets du Conseil
du Sud. Là, on observe des retards significatifs
de paiement et des montants qui
dépassent tous les ratios bancaires en
vigueur. Mais, dans ce cas aussi, c’est l’État
qui est le bailleur final de fonds, et il n’y
a pas de risque majeur à long terme.
3) L’autre cas vraiment litigieux est évidemment
celui qu’on avait brièvement cité
dans notre “Économie
de l’ombre” (avril
2005). De quoi s’agitil
en détail ? C’est
l’histoire de ce joueur
au Casino du Liban
qui a perdu une
somme colossale.
Une première perte, de 4 millions $, fut remboursée par le
Casino lui-même. Une deuxième partie a
été avancée par la Finance Bank. Et cela
s’est passé de la façon suivante :
- La Finance Bank a octroyé un crédit de 5
millions $ à cette personne ; mais le premier
million est parti sous forme de 2
chèques de 500 000 $ chacun à deux personnalités
qui ont facilité l’affaire. Reste un
montant de 4 millions $ – dont les intérêts
ont été bonifiés suivant le schéma de bonification
de la Banque du Liban (qui prend
donc à sa charge 7 % du taux d’intérêt). Or,
cette bonification devrait être liée à un
investissement dans un secteur productif.
Le bénéficiaire a donc établi une société,
une semaine auparavant, et obtenu l’accord
de bonification en 24 heures. Ladite
société devait, selon le dossier, acheter des
équipements. Mais le dossier, qui comprenait
bien une lettre d’intention d’une société
étrangère de fournir cet équipement,
péchait néanmoins par manque de précision
: pas de crédit documentaire, ni de
vraie étude de faisabilité. En guise de
garantie, le bénéficiaire a présenté en caution
un terrain d’une valeur de 700 000 $,
et des actions dans une autre société qu’il
détient, mais dont la valeur n’atteint certainement
pas les sommes en jeu.
- À partir d’octobre
2004, les pressions
de la Commission de
contrôle des banques
s’intensifient. Et en
2005, on a constaté
qu’il n’y avait ni équipement
ni un travail
productif Une première perte,
de 4 millions $,
fut remboursée par le Casino
lui-même. Une deuxième
partie a été avancée
par la Finance Bank quel-conque. La direction de la Finance Bank
s’est alors résolue à provisionner à 100 %
le crédit alloué. De même, la Banque centrale
a exigé, non seulement d’arrêter sa
bonification des intérêts, mais aussi de
récupérer les montants de bonification versés
auparavant. La Banque Libanaise
pour le Commerce
Il s’agit ici d’une autre banque étatique,
acquise il y a 2 ans par la Banque centrale
suite à des pertes qui ont dépassé les 100
millions $. Depuis, une nouvelle direction a
assaini l’état financier de la banque, généré
des profits, de sorte que la situation
actuelle ne souffre d’aucun problème
majeur – les déposants peuvent être tranquilles.
Il n’empêche que des points de litige
ont opposé certains cercles de la
Banque centrale à l’administration, au sujet
de quelques actions qui ont suscité une
contestation, et que nous présentons brièvement
de la façon suivante :
1) La BLC n’a pas dans son portefeuille des
débiteurs syriens
importants
comme on le
soupçonnait,
mais elle a néanmoins
octroyé à
des Libanais
quelques crédits
à caractère politique,
des crédits
bien provisionnés,
donc sans risque
pour l’équilibre
financier de la
banque, d’autant
plus que les montants
en jeu sont
limités.
2) La nouvelle
direction a
embauché de
nouveaux cadres,
dont certains sont
très valables,
alors que d’autres
le sont moins,
dont certains
avec des salaires
très élevés. On en
connaît par
exemple l’un
d’eux à qui on a
offert un package annuel de 250 000 $. Après la contestation
de la Banque du Liban, il a eu droit à 150 000
$ – plus 100 000 $ qui
vont être versés par la
BLC-France à titre de
consultations.
3) La BLC a quitté
son siège historique
dans le quartier des
banques, sous le prétexte,
un peu tiré par
les cheveux, d’une structure en amiante,
matière nuisible. À la place, la banque a
acquis un immeuble
non achevé à
Achrafieh pour un
coût global, après
achèvement, de 10
millions $, alors que
les experts immobiliers
désignés par la
BDL l’ont évalué à 7
millions $.
4) La BLC a abandonné
son logiciel
informatique pourtant
mondialement
connu et utilisé dans
300 000 banques de
par le monde, sous
prétexte de la nécessité
d’une mise à
jour complète. À la
place, elle a acquis
un logiciel sophistiqué
d’un établissement
koweïtien,
sans aucune portée
mondiale. Le rating
interne de la banque
a conclu à la supériorité
scientifique de
ce logiciel koweïtien,
qui a coûté 3,5 millions
$, un montant
auquel il faut ajouter
2 millions $ pour
changement subséquent
d’équipement.
D’après des observateurs
qui ont suivi
l’affaire, le logiciel
est peut-être bon,
mais il est trop fourni
pour les besoins de
La direction a signé
avec trois avocats
des contrats,
d’une générosité jamais
constatée dans le milieu
Encore al-Madina
En dépit de ce que nous
avons publié nous-mêmes
(le CDL de décembre 2003
et d’avril 2005), ou de ce
que d’autres médias ont
dévoilé, des zones d’ombre
restent inexplicables,
concernant l’affaire al-
Madina.
Pourquoi le gouvernorat
de la BDL a-t-il tellement
traîné les pieds avant de
mettre la main sur al-
Madina, à travers un
“directeur provisoire” plénipotentiaire
? Pourquoi,
alors que la Commission
de contrôle des banques a
constaté des anomalies dès
septembre 2000, et
demandé de désigner un
directeur, au moment où
le “trou” n’était que de 70
millions $. La Commission
a réitéré ses recommandations
de désigner «immédiatement
» un tel directeur
en février 2001, puis
en septembre 2001. Les
écritures de la banque ne
mentionnaient pas, officiellement
de ressortissant
syrien parmi les débiteurs
importants. Et, si pression
il y avait sur le gouverneur
de la BDL, comme le veut
la rumeur publique, pourquoi
les membres de la
Commission de contrôle
n’ont pas subi de telles
pressions, alors qu’ils
étaient les plus explicites à
demander la mise à pied
de la direction de la
banque ?C
la banque. D’après eux, c’est une acquisition
superflue.
5) La direction de la banque a décidé que ses
contentieux avec ses clients débiteurs récalcitrants
– et il y en avait beaucoup hérités de
l’ancienne administration – devraient être
réglés par des avocats externes. En réalité, le
département interne de recouvrement fait
bien son travail à ce niveau, mais la direction
a quand même signé des contrats avec trois
avocats. Des contrats d’une générosité
jamais constatée dans le milieu : 10 % sur les
sommes récupérées en cash, et 5 % sur les
récupérations en dation (foncier, etc.). On n’a
pas su comment la Banque du Liban a accepté
de telles conditions. Toujours est-il qu’un
des avocats, particulièrement à cheval sur les
principes, a refusé cette générosité : il a
adressé une lettre en ce sens à la direction de
la banque, avec copies conformes au gouverneur
de la BDL et à la Commission de contrôle
des banques – avec un chèque de 340 000
$, soit la moitié de ce que la banque lui avait
payé, car il a considéré que la moitié des taux
cités ci-dessus était largement suffisante
pour ses honoraires. Ceci dit, un autre avocat
continue de percevoir les taux élevés.
6) Il n’empêche, encore une fois, que la
banque s’est assainie, les dépôts ont augmenté,
les profits aussi, mais en observant
quand même que la plus grande partie des
profits est le résultat de la libéralisation des
provisions sur les anciennes mauvaises
dettes. Actuellement, et jusqu’à fin juin, les
anciens actionnaires peuvent, selon la loi,
récupérer la banque. Le plus sérieux (actionnaire
à 20 % auparavant) étant Mohamed
Safadi qui, avec un nouveau groupe saoudien,
est intéressé à reprendre le tout. Mais
l’acquisition éventuelle dépend du prix qui
sera demandé par la BDL.
Fusions-acquisitions
Ceci nous amène à ouvrir brièvement le dossier
des fusions-acquisitions réalisées auparavant
avec l’aide de la BDL, selon la loi ad
hoc, qui vient d’être remise en vigueur,
avec quelques amendements.
Il est vrai
que ces dossiers
méritent une certaine
attention :
1) La BLC elle-même
est un cas à part puisque, comme on l’a
signalé, le “trou” avait dépassé les 100 millions
$, répartis en gros en 2 parties : lors de
la fusion BLC-UBL, une
augmentation de capital
fut exigée, et effectivement
60 millions $
furent injectés par un
transfert de Paribas-
Genève – sauf que,
après de multitudes tentatives de la BDL, il
s’est avéré que c’est un crédit octroyé par la
banque suisse en contrepartie de la garantie
d’un dépôt de la banque libanaise. On capitalisait
donc la banque avec l’argent des
déposants ! Un autre montant de 40 millions
fut perdu par l’ancienne administration suite
à des spéculations sur le marché international.
Une perte que la direction avait essayé
de camoufler par des écritures comptables,
via une succursale virtuelle. Avant que tout
ne soit découvert.
2) Les cas de fusions-acquisitions facilitées
par la BDL, à travers ses crédits réglementaires,
ont été néanmoins menés selon les
bonnes normes, d’après notre source. Il y a
eu seulement 2 cas de “générosité” au-delà
des stricts termes du financement BDL.
- D’abord le cas de Inaash Bank acquise
par la SGBL. Il s’agit d’une banque assez
grande mais qui a accumulé des déficits,
alors que, à l’époque, une tension économique
et monétaire était très vive dans le
pays. La BDL a préféré “acheter” la sécurité
du secteur, en injectant 14-15 millions $
supplémentaires pour que la banque soit
acceptable pour l’acquéreur.
- L’autre cas concerne Beirut Riyad Bank
qui fut acquise par
Bank of Beirut. Là, le
surplus du soutien
de la BDL a atteint
20 millions $. Car en
plus des déficits
accumulés par l’administration, le “climat”
de la banque était assez politisé.
Des pressions ont donc été exercées pour
que les employés
puissent recevoir,
en plus du maximum
de 24 mois de
salaire, 12 mois
supplémentaires. Là
aussi, il s’agissait
pour la BDL de sauver la mise et la réputation
du secteur.
En plus des déficits
accumulés, le “climat”
de la banque
était assez politisé
On capitalisait la banque
avec l’argent
des déposants
La BLOM au-dessus de tout soupçon
À la lumière de ce que la
presse koweïtienne a
publié ces derniers temps
sur la BLOM Bank, nous
aurions pu contacter directement
la direction de la
banque ; mais nous avons
préféré recourir à une source
neutre et bien informée.
Il en ressort les réalités suivantes
: «Les Azhari sont
effectivement d’origine
syrienne, mais ils ne sont
pas politisés et ont toujours
travaillé selon les normes
bancaires les plus strictes,
même au-delà de ce qui
est exigé ou normalement
sain». Notre source donne
comme exemple le refus
de la banque d’accepter,
de tout temps, de l’argent
politique ou “sécuritaire”,
libanais ou syrien, à titre de
dépôts. «Il s’agit d’une
politique continue et permanente,
et ceci s’applique
aussi aux crédits qui
ne peuvent être octroyés à
des politiques».
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