Dans l’attente d’une vision économique proposée par les Libanais, Paris, dont le nom s’est trouvé lié au chiffre II, se dit prêt à accompagner, de nouveau, le redressement du Liban. Les réformes en priorité.
La France – c’est normal – n’est pas, ne
peut pas être, un partenaire économique
comme les autres. Elle offre d’être pour
un Liban, désormais affranchi d’une tutelle
syrienne qu’elle avait considérée excessive,
“un partenaire de référence”, bien entendu
ouvert vers l’Europe. Et propose d’activer dans
cet objectif une politique d’accompagnement,
d’incitation, d’intégration du Liban dans cet
espace européen, et au-delà. Mais il faut,
préalablement, que les Libanais soient
capables d’articuler une vision économique et
sociale, et de s’y appliquer. En d’autres
termes, préciser d’une façon fiable comment
l’aide économique apportée par la communauté
internationale devra être canalisée. C’est
ce qui ressort, en essence, des propos de
divers responsables français concernés par le
dossier libanais.
L’après-14 février 2005 a-t-il donc provoqué
une nouvelle approche économique du Liban,
corollaire de l’approche politique impulsée
directement par l’Élysée ? Toute réponse tranchée
demeure prématurée, d’autant que la
priorité française est actuellement d’aider les
Libanais à parachever la transition politique.
Néanmoins, une implication économique est
fortement affichée. D’autant que, comme le
souligne l’ambassadeur de France Bernard
Émié, «le président Jacques Chirac a payé de
sa personne au moment de Paris II».
L’accent est donc mis sur la nécessité de
relancer le mouvement de réformes engagé
conséquemment à cette conférence, et interrompu
en plein vol. Cela étant, l’aide française
pourrait aussi s’articuler sur d’autres volets
majeurs, notamment des mesures sociales, la
création d’emplois et l’accompagnement aux
PME/PMI, en coordonnant avec la
Communauté européenne
et ses programmes
implantés
dans le pays.
Les interlocuteurs
français attirent dans
ce cadre l’attention
des dirigeants libanais
sur la différence
entre les chiffres
macroéconomiques,
«là où le Liban paraît
en bonne santé», et
les chiffres microéconomiques,
«révélateurs de la
fragilité de l’économie et surtout de l’appauvrissement
de la classe moyenne». Dans ce
cadre, tout le monde est au moins d’accord
pour reprendre l’étude et la publication des
comptes nationaux, qui avaient été entamées
il y a quelques années et ont porté sur les
chiffres de 1997 uniquement.
DANS LES DEUX SENS
Pour inverser cette tendance, l’ambassadeur
Bernard Émié, lors de ses discussions
avec les représentants des organismes
économiques, a confirmé, tout récemment,
la disposition de son pays à participer avec
eux à divers nouveaux projets.
Et cet échange d’idées a conclu à la nécessité
de renforcer la dynamique, déjà existante,
de partenariats interentreprises
via les CCI
dans les deux pays.
Pour servir cet objectif,
il a été convenu,
Bernard Émié, Pierre Simon, Mohamed Zaatari et Adnan Kassar, lors de la récente
rencontre à Beyrouth.
Photo Moustapha Shamaa
entre autres, d’activer, dans les deux sens, les
visites des délégations d’hommes d’affaires,
et de renforcer les partenariats bilatéraux,
voire les montages de capitaux croisés, dans
les pays du Golfe, mais aussi d’Afrique, là où
Français et Libanais ont une forte présence.
Également à l’ordre du jour, l’urgence de renverser
l’image du Liban, à travers une présence
plus régulière, et médiatisée, dans les
foires et salons organisés en France. Et justement
à propos d’image, l’ambassadeur de
France n’a pas manqué de rappeler le précédent
du secteur du cellulaire au Liban, qui
continue à faire tache d’huile en France. Pour
lui, il est nécessaire de garantir la stabilité des
investissements français et étrangers à travers
la stabilité des contrats. Son message est
clair : «Il faut que la loi soit appliquée et que les
juges statuent en
fonction de la législation.
L’adhésion à
l’OMC forcera les
Libanais à un ?
Il est nécessaire de garantir
la stabilité des investissements
français et étrangers à travers
la stabilité des contrats optique, il a été convenu de programmer
pour la fin de 2005 la visite au Liban d’une
importante délégation d’entreprises d’Îlede-
France et qui devrait déboucher sur du
“vrai business”.
Il est également envisageable, pour
reprendre la suggestion de Pierre Simon,
d’organiser à la Chambre de Paris “une
journée-Liban”. Elle serait divisée en deux
parties : la première sous forme de séminaire
présentant les opportunités d’investissement
au Liban et comportant un volet
de témoignages d’entrepreneurs, alors que
la deuxième partie serait consacrée à des
contacts bilatéraux générateurs de jointventures.
Dont l’activité, encore une fois,
dépasserait les frontières du pays.
En fait, les volets de coopération identifiés par
la Chambre de Beyrouth, comme pouvant
faire l’objet du partenariat avec la Chambre de
Paris, recoupent des domaines où celle-ci a
déployé une expertise certaine. Et d’abord
dans le domaine de la
médiation, d’autant
que le Centre d’arbitrage
de la Chambre
de Beyrouth s’est bien
développé ; il y a donc un intérêt à l’ouvrir aux
domaines de la conciliation et de la médiation
et de tirer profit d’un transfert d’expertise du
Centre de médiation et d’arbitrage de la
Chambre de Paris (le CMAP).
Il en est de même du développement de la
formation. Et là, il s’agit de distinguer entre
deux niveaux : l’enseignement
supérieur de
gestion à dimension
internationale assurée
par l’ESA, base d’action
de la Chambre de
Paris à Beyrouth dans
ce domaine. Puis un soutien à l’Institut de
formation par alternance (IFA) établi à la
Chambre de Beyrouth depuis 1995, fruit
d’un partenariat à l’origine avec la
Chambre de Versailles et le Conseil régional
d’Île-de-France.
Concernant le premier niveau, la collaboration
pourra se faire en convergence : la
Chambre de Beyrouth travaille sur un projet
de pépinières d’entreprises avec l’UE. Et
l’ESA démarrera en 2005/2006 une nouvelle
formation destinée aux entreprises, sur
le thème du transfert de savoir-faire entre
l’Europe et le Liban.
De plus, la Chambre de Beyrouth pourra
profiter dans ce domaine du conseil de la
Chambre de Paris qui gère quelques pépinières
financées par la mairie de Paris et
auxquelles elle assure l’encadrement.
DÉLOCALISATION ET SYNERGIE
Le futur partenariat peut aussi toucher
d’autres CCI et englober surtout des domaines
où les Libanais ont développé des avantages
comparatifs régionaux, comme l’Internet, les
“call-center”, l’industrie des logiciels et l’industrie
de l’habillement. Il faut savoir que la
délocalisation des “call-center” est sérieusement
envisagée par les entreprises françaises,
et cela passe actuellement vers la
Tunisie et le Maroc. Rien n’empêche donc
une migration vers le Liban, avec l’aide de
la CCI de Paris. Quant aux sociétés de logiciels,
la tendance des entreprises françaises
dans ce domaine est aussi à la délocalisation
; et la Chambre de Paris pourrait
là aussi agencer des contacts bilatéraux
avec les entreprises libanaises.
Sans compter qu’il sera également question,
dans un proche avenir, de profiter de l’expertise
de la Chambre de Paris en matière d’appui
aux entreprises. «Nous suivons en moyenne
chaque année, explique Pierre Simon,
40 000 créations d’entreprises. En fait, nous
avons constitué, petit à petit, une boîte à
outils de création d’entreprises. Un travail
d’étude de faisabilité est assuré en amont. Il
est suivi, dans une seconde étape, d’un travail
d’accompagnement qui suppose notamment
un affinement du projet, du business
plan, etc. Nous savons qu’en France, seulement
50 % des
entreprises
créées survivent
cinq ans après
leur création. Ce
taux d’échec est
divisé par deux
lorsqu’un travail d’accompagnement est
procuré». Une boîte à outils que les PME
libanaises pourraient bien utiliser.
aggiornamento dans ce sens. Nous sommes
prêts, là aussi, à vous assister pour établir un
corpus juridique et administratif allant dans le
sens d’une plus grande respectabilité et assurant
la stabilité des investissements». La
Jordanie nous a d’ailleurs bien devancé en
attirant un volume significatif d’investissements
français.
LE RÔLE DES CHAMBRES
La visite, effectuée au Liban les 27 et 28 mai
dernier, du président récemment élu de la
CCIP, Pierre Simon, va aussi dans le même
sens, et fut qualifiée, par l’ambassadeur
Émié, de «signal très fort de confiance, destiné
aux entreprises libanaises, que la France
veut participer au redressement du Liban».
Pour ces responsables, «la France est tout à
fait disposée à conduire au Liban une offensive
amicale en matière économique, et un
partenariat d’exception porté par les
Chambres». Adnan
Kassar est tout à fait
d’accord ; le président
de la CCI de
Beyrouth a fortement
soutenu cette idée de partenariat entre
les deux Chambres, un partenariat d’ailleurs
«vieux de 30 ans déjà».
Le président de la CCIP voulait même aller
plus loin : un travail en commun des deux
Chambres au niveau international et au sein
d’associations régionales et euro-méditerranéennes
telles que Eurochambres et
l’ASCAME (l’Association des Chambres de
commerce et d’industrie de la Méditerranée).
On rappelle que le Liban est membre fondateur
de l’ASCAME dont il a accueilli l’année
dernière la 16e assemblée générale. Pierre
Simon est catégorique : «Nous comptons
encourager un certain nombre d’entreprises
françaises à utiliser le Liban comme porte
d’entrée au Moyen-Orient». Dans cette
Premier bénéficiaire
Le futur partenariat peut toucher
des domaines comme l’Internet,
les “call-center”, l’industrie
des logiciels et l’industrie
de l’habillement
- Le Liban fait partie de la
“zone de solidarité prioritaire”,
telle que définie par
les autorités françaises.
- Sur le plan de la reconstruction
et du développement,
la France reste un de
nos premiers bailleurs de
fonds, avec une enveloppe
de 350 millions d’euros.
Ainsi, par habitant, le Liban
est devenu le premier
bénéficiaire de l’aide française
au développement.
- La France est le second
partenaire commercial du
Liban avec 731 millions
d’euros d’exportations
pour 2004.
- On compte 111 entreprises
françaises implantées
au Liban dans tous les
secteurs d’activité.
- La valeur des contrats
attribués à des sociétés
françaises a atteint près de
850 millions $, soit près du
tiers du total des contrats
de reconstruction signés
entre 1993 et 1997.
- La France a octroyé 500
millions d’euros, comme
crédit à taux réduit, dans le
cadre de Paris II.
- La France est le premier
pays d’accueil des étudiants
libanais, dont le
nombre a progressé de
83 % en 5 ans.
- La France apporte également
son soutien à la
bonne gouvernance, à la
réforme de l’État, de la
magistrature et l’administration
(en particulier
l’ENA-Liban), ainsi que
dans les domaines culturels,
scientifiques…
Il est envisageable d’organiser
à la Chambre de Paris
“une journée-Liban”


