La marque “é”, déclinaison du “é” de Eddé Sands créée par Roger Eddé s'exporte à Beyrouth. Courant septembre, l'homme d'affaires libanais et son épouse Alice lancent “é café” rue Sursock, un lieu qui ouvre tôt et sert tard, où l'on peut bien manger ou juste prendre un verre sans réservation et qui, comme le propriétaire des lieux l’indique : « Rappelle de hauts lieux parisiens : le Fouquets pour l'ambiance et la carte variée et de qualité et le Café Flore pour le côté culturel. »
Avec un investissement de 600 000 dollars, le “é café” est la pierre angulaire du projet “Eddé Yard Beyrouth”, un « concept anglais qui consiste à créer plusieurs restaurants ou projets dans un même endroit ». Ainsi, Eddé identifie déjà des locaux autour de “é café” pour ouvrir la boutique de mode de sa femme “Miss A” ainsi qu'une librairie “Gebran's Lebanon” qui proposera uniquement des livres sur le Liban. Le concept de Eddé Yard existe déjà dans les souks de Byblos où Roger Eddé a acquis 17 boutiques développées en restaurants, pub, glacier, artisanat et librairie. « J'ai créé une destination à partir de zéro », poursuit-il. Quand on mentionne la concurrence à Beyrouth, il rétorque qu'il croit à la rivalité, car elle améliore la qualité et les prix.
Roger Eddé se dit « né dans la politique » de par sa famille. Avocat de formation, il est nommé secrétaire général adjoint du Bloc national de Raymond Eddé et, peu après le déclenchement de la guerre, part en “exil volontaire” en France avec le Amid. À partir de ce moment, il se recycle dans les affaires et intègre une société d'architecture internationale HOK (Hellmuth, Obata, Kassabaum) dont il devient le président et le partenaire à 50 %. Il est responsable “des grands développements” et associe son nom à de nombreux projets de grande envergure – villes nouvelles, parcs à thèmes sportifs (HOK est leader mondial dans ce secteur), grands aéroports (Riyad, Doha ou encore le cinquième terminal de l'aéroport de Heathrow).
Rentré au Liban en 1997, Roger Eddé comprend de l'accueil qui lui est réservé à l'aéroport (saisie de téléphone et de passeport) qu'il vaut mieux s'écarter de la politique. Il décide de s’y adonner quand même, mais « autrement, en menant des actions économiques et de développement sur le terrain, pour les Libanais ». Il démarre avec un premier projet très ambitieux, celui de créer sur la route de Saint-Charbel un “Silicon Valley libanais”, à savoir un village global centré sur les nouvelles technologies et multimédia qui attirerait même les Libanais de l'étranger pour y travailler. « J'avais réussi à collecter plusieurs centaines de millions de dollars de sociétés internationales pour ce projet qui avait été accepté dans les plus hautes sphères de l'État libanais ; mais il a subi le veto des autorités syriennes qui planifiaient de développer ce village Internet à Damas », déclare Eddé. Et de poursuivre : « J'ai vite compris que tout projet sensible qui avait besoin d'une décision politique n'était pas faisable. »
Il ne se démonte pas et crée Eddé Sands : « J'avais 30 000 m2 de terrain à Jbeil sur la mer mais il m'était impossible de les traverser à cause des poubelles. Nous avons fait nettoyer la plage pendant une année entière et enlevé trois à quatre mètres d'épaisseur de déchets pour retrouver le sable. En 2000, Roger Eddé investit autour de 300 000 dollars pour ouvrir Byblos Riviera, précurseur du Eddé Sands, une paillote comprenant un petit beach-bar, un restaurant servant le poisson du jour et une piscine. « L'idée de Eddé Sands n'était pas commerciale, car mes affaires marchaient bien ; c'était avant tout un acte politique », affirme-t-il. Le projet nécessite un investissement de plus de 40 millions de dollars sur plusieurs années. Il reste largement bénéficiaire pour son propriétaire : « Tout d’abord l'opération génère un chiffre d’affaires annuel de 10 millions de dollars, déclare Eddé. Ensuite, la valeur de l’immobilier a été multipliée par 20 entre 2003 et 2010. »