Un article du Dossier

Une année d’expectative sur les marchés financiers

L’incertitude règne du côté des matières premières. Outre les échéances politiques et monétaires qui affectent également les autres marchés, le secteur des matières premières s’inquiète de l’évolution politique et diplomatique dans les pays producteurs, notamment au Moyen-Orient. « L’indice CRB des prix des matières premières continue de décevoir et a récemment cassé un niveau de support majeur à 292 », note Christina Azouri, Senior Investment Advisor au Crédit agricole suisse. Les matières premières restent donc cette année encore des placements spéculatifs à envisager avec précaution.
Les cours du pétrole sont assez volatiles et fluctuent au diapason de l’évolution politique. Mi-juin, les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont décidé de conserver le plafond de production à 30 millions de barils par jour, ce qui a relancé les cours. Une tendance renforcée par l’incertitude liée aux pourparlers avec l’Iran au sujet des ambitions nucléaires de Téhéran. Ce point affecte lourdement les marchés depuis le dernier trimestre 2011. Pour Christina Azouri, les cours sont également maintenus par le fait que la demande japonaise de substituts à l’électricité nucléaire est en hausse et que les ressources alternatives comme le gaz de schiste ne sont pas totalement exploitées. Toutefois, la hausse des débits en Arabie saoudite et en Libye, et les chiffres en berne de la croissance américaine ont atténué cette tendance haussière. La Chine est également scrutée à la loupe : Pékin est le second plus gros consommateur d’or noir derrière les États-Unis et le baromètre de la demande mondiale. « Nous restons défensifs pour le moment en attendant de voir des divergences techniques signalant un rebond des prix », précise Christina Azouri. Pour l’économiste Paul Douaihy, de l’Université de Balamand, l’amplitude des cours devrait être relativement limitée par les échéances électorales aux États-Unis et la reprise, même modeste. « Les cours devraient rester stables, même s’ils sont volatiles. Les investisseurs et les consommateurs se sont désormais habitués à un pétrole à 100 dollars », conclut Tarek el-Ahdab, vice-président de l’Arab Finance Corporation (AFC). Fin juin, le brut fluctuait entre 97 et 99 dollars pour le Brent, tiré à la baisse après un pic à 128 dollars en mars, par le fait que les stocks de pétrole aux États-Unis sont au plus haut depuis 1990. Les contrats à terme sur le Brent ont perdu près de 20 % entre avril et juin, en dessous de 100 dollars le baril pour la première fois depuis début 2011. Et les incertitudes concernant l’Espagne, l’Italie et la croissance mondiale en général devraient contenir les cours du brut à court terme.
Les investisseurs plus agressifs peuvent s’intéresser au gaz naturel et à ses contrats à terme, dont les cours augmentent traditionnellement avec la chaleur estivale et l’usage d’appareils d’air conditionné. Les investisseurs les plus expérimentés peuvent spéculer sur les cours du gaz en se positionnant à court terme.

Or : fin de la valeur “refuge” ?

L’or demeure pour beaucoup le placement favori, car relativement moins exposé aux fluctuations que les ressources énergétiques. Les opérateurs se positionnent principalement sur des échéances à moyen et long terme, « compte tenu de la possibilité d’extension des mesures non conventionnelles de la Réserve fédérale, l’achat continu d’or de la part des banques centrales et l’instabilité européenne, explique Christina Azouri. Le World Gold Council estime à 439,7 tonnes la quantité d’or achetée par les banques centrales en 2011 et s’attend à un achat similaire cette année ». La forte hausse des cours début juin, la plus importante en trois ans, a été concomitante avec les résultats décevants de l’économie américaine et les rumeurs d’un nouvel assouplissement quantitatif. « L’or n’est plus une valeur refuge, elle devrait chuter à court terme, et fluctuer dans les mois à venir », prévoit toutefois l’économiste d’UBS, Paul Donovan. Il est appuyé par Paul Douaihy, qui met en garde contre les mouvements spéculatifs. « L’or risque de retester les bas niveaux   1 520/1 530 que nous considérons comme de bons points d’entrée. L’or devra briser sa récente corrélation avec le sentiment des marchés et récupérer son statut de valeur refuge pour rester au-dessus de 1 510, un niveau de support bien critique », ajoute Christina Azouri. Pour Toufic Aouad, directeur général de la banque privée Audi-Saradar, « il n’est pas nécessaire de consacrer plus de 5 % à l’or dans un portefeuille et 10 % aux matières premières en général ». Enfin, pour ceux qui craignent une inflation à long terme, le métal jaune est un bon placement.

Autres métaux et produits agricoles

Les autres métaux ne sont pas épargnés par les fluctuations des marchés, bien au contraire. Le ralentissement de la croissance globale, notamment de la croissance chinoise, ainsi que les tensions en Europe mettent sous pression les prix des matières premières cycliques. Pour tenter d’en tirer parti, de nombreux opérateurs choisissent les options d’achat, où la volatilité implicite est bon marché quand les cours baissent. « Et il faut se positionner à court terme », précise Tarek el-Ahdab. Le Crédit agricole suisse favorise lui le cuivre et l’aluminium, soutenus par une phase de restockage. De bonnes nouvelles venant de Bruxelles et de Pékin seraient nécessaires à la reprise des marchés de métaux bruts. Les cours du cuivre sont eux aussi assez instables, affectés par l’immobilier chinois et les restrictions sur la spéculation immobilière imposées par le gouvernement. La Chine est le premier consommateur de cuivre au monde et représente 40 % de la demande mondiale.
Les matières premières agricoles, également très cycliques, sont annoncées à la hausse à long terme avec la croissance de la population mondiale. Néanmoins, les experts mettent en garde contre un investissement mal renseigné. « Il faut bien s’y connaître pour investir : ces domaines sont tributaires des décisions sociales des gouvernements, qui peuvent être en contradiction avec les logiques d’investissement », prévient l’économiste d’UBS, Paul Donovan. Il prescrit donc pour contourner ces risques d’investir dans des entreprises liées à la transformation des matières premières comme les transports ou les équipements industriels, ou les actions d’entreprises indirectement liées à l’activité. Albert Letayf, d’Optimum Invest, partage le même discours et prévoit la hausse des fonds qui gèrent des terrains agricoles.

dans ce Dossier