Un article du Dossier

Les Libanais de Côte d’Ivoire tiennent 40 % de l’économie

En moins de 20 ans, Carré d’or est devenue la première entreprise privée de Côte d’Ivoire en termes de chiffre d’affaires. Impliqué dans le négoce des produits alimentaires, Carré d’or investit désormais l’immobilier avec de gros projets dont un centre commercial.

Nabil Zorkot
De lui, on a pu entendre les plus folles rumeurs. «  Sa réussite ? Elle est due à sa proximité avec l’ancien pouvoir de Laurent Gbagbo », disent les uns, critiques, qui autrement s’expliquent mal l’ascension de son groupe. « Ibrahim Ezzedine était un visionnaire comme il en existe peu », assurent les autres, admiratifs d’un homme qui a su comme personne saisir les occasions. Pour ses zélateurs ou ses adversaires, une chose est sûre : sa mort, d’un arrêt cardiaque en 2012, alors qu’il faisait son jogging, laisse une place vide dans le monde des affaires. Depuis son décès, c’est son jeune frère, Zouheir Ezzedine, qui a repris la direction du groupe Carré d’or, fondé en 1998 et qui emploie 6 000 salariés.
Ibrahim Ezzedine avait réussi à ériger Carré d’or en un géant du négoce et de la distribution. « Nous sommes le premier groupe privé de Côte d’Ivoire en termes de chiffre d’affaires », affirme Émile Abi Aad, le directeur général adjoint, qui refuse cependant d’en communiquer le montant exact. Aujourd’hui, Carré d’or lance de gros projets immobiliers. Le premier concerne la construction de 450 appartements à Abidjan pour un montant de 2,1 millions de dollars (1 milliard de francs CFA). Un mall, de 30 000 m2 de surface commerciale, dans le centre d’Abidjan devrait également sortir de terre. Montant de l’investissement : 55 millions de dollars (26 milliards de dollars).
Historiquement, Carré d’or s’est constitué autour de la distribution de produits alimentaires via la Société de distribution de toutes marchandises (SDTM). Il s’est ensuite immiscé dans l’agroalimentaire avec un site d’embouteillage d’eaux minérales, une minoterie et une usine de pâtes alimentaires. Carré d’or s’est, en plus, développé sur le secteur de l’impression et du recyclage du papier. Enfin, avec Global manutention Côte d’Ivoire (GMCI), fondée en 2002, il a pris pied dans le secteur de la manutention et du transit via ses activités maritimes, portuaires, aéroportuaires, routières et ferroviaires. « Notre force ? Être un groupe intégré », explique encore Émile Abi Aad.
Le dernier coup de maître d’Ibrahim Ezzedine date de 2009. À l’époque, le businessman s’était attaqué à la fabrication et la distribution de la farine, un secteur détenu, depuis presque un siècle, par une seule famille franco-sénégalaise, les Mimran. Ezzedine avait alors fondé une minoterie, les Moulins modernes de Côte d’Ivoire (MMCI), dans laquelle il avait investi 48,2 millions de dollars (23 milliards de francs CFA), en partenariat avec le groupe français Robert Louis Dreyfus. Grâce à ses grosses capacités de production (300 000 tonnes/an), MMCI détient aujourd’hui 45 % de parts de marché. « Le marché est estimé à 280 000 tonnes. Nous exportons l’excédent vers les pays voisins », précise Émile Abi Aad.
Ce n’était pas la première fois que cet entrepreneur s’attaquait à une filière alimentaire : en 2001, Carré d’or s’était lancé dans l’importation de riz. « Nous contrôlons désormais 75 à 80 % de la filière. » Pour se faire une idée de l’enjeu, il faut savoir que la Côte d’Ivoire importe un million de tonnes de riz pour une valeur totale comprise entre 450 et 500 millions de dollars. Le riz est ensuite conditionné sous la marque du groupe, Uncle Sam, dont le nom s’inspire directement du fameux Uncle Ben’s.
De la même manière, Carré d’or est présent sur le segment des pâtes alimentaires depuis 1999 avec une usine de production. Avec sa marque Maman, il est le leader pour l’Afrique de l’Ouest et détient le monopole sur le marché ivoirien. Quant à sa société de manutention et de transit, Global Manutention, elle détient 45 % du volume du trafic du port d’Abidjan. « Même si Abidjan sert de plaque tournante pour le commerce régional, c’est une belle réussite. Par comparaison, le groupe français Boloré ne représente que 20 % des volumes traités à Abidjan. »
dans ce Dossier