De Michel-Ange, l’histoire conserve la mémoire d’un homme aussi rugueux que le “non finito” de ses sculptures. Au-delà, c’était un homme banal. Pire même : coléreux, jaloux, cupide, menteur, avare, méprisant, fourbe, vaniteux… Les qualificatifs manquent pour décrire cet être maniaque et solitaire, qui n’a vécu que pour son art.
Si les amateurs connaissaient déjà Michel-Ange sous cet aspect peu flatteur, c’est tout l’art de ce petit essai que de rendre l’artiste vivant jusque dans ses vanités les plus sombres. Armand Farrachi en brosse ici un portrait précieux dans un tête-à-tête magnifique entre l’homme et son œuvre. Il en fait un gnome tordu, godillant sur les échafauds de la chapelle Sixtine, durant six longues années pour parachever son œuvre maîtresse. Un être disgracieux, obsédé cependant de beauté, qui courait Florence, sa ville natale, capé d’un luxueux manteau violet, seyant, dit l’auteur, à la lumière toscane.
En quelques dizaines de pages inspirées, l’auteur raconte comment l’artiste sut résister à l’impérieux Jules II, le “pape guerrier”. Comment également il s’ingénia à faire pleuvoir de la poussière et des gravats sur les cardinaux rassemblés à l’intérieur de la Sixtine. « Il n’habitait plus ni Rome, ni l’Italie, ni le monde, mais le corps, sa vraie patrie, et son exil, n’affichant que mépris pour les incapables qui confient l’expression aux traits du visage, comme si la tête n’était pas la torsion du corps, et qu’un véritable artiste ne savait plus finement exprimer d’émotion par la torsion d’un bras ou la flexion d’un tronc. » À lire vite pour redécouvrir Michel-Ange.
Armand Farrachi, “Michel-Ange face aux murs, l’un & l’autre”, Gallimard 118 pages, 17 dollars.