Dans le premier volume de sa trilogie “Vernon Subutex”, dont le premier volume est sorti au début de l’année, la Française Virginie Despentes affichait son ambition : décrire le désenchantement de sa société, dont les individus sont finalement trop assouvis pour être heureux. Une sorte de Comédie humaine post-1968, dont on suivait les péripéties à travers la déchéance d’un certain Vernon Subutex, un ex-disquaire, devenu SDF par la faute du téléchargement musical qui a mis fin à son “petit business”. Jeté à la rue, Vernon squattait chez d’anciennes connaissances pour qui son magasin avait été, dans leur jeunesse, le point de ralliement d’une contestation “rock” et sociale. À la fin du tome 1, l’ancien disquaire finissait SDF. Ce deuxième tome poursuit l’histoire : on y retrouve un Vernon malade. Toujours à la rue, l’ancien disquaire traverse désormais des phases de lévitation où il perd contact avec le réel. Installé dans une villa abandonnée du 19e arrondissement, puis dans les bosquets du Parc des Buttes-Chaumont, il joue les “gourous malgré lui”. Autour de lui se rassemble en effet une communauté hétéroclite, composée entre autres de ses anciens amis. Chaque soir, ce petit monde végète aux Buttes-Chaumont, autour du bar Le Rosa Bonheur, avec Vernon en figure de vieux bouddha déjanté dont les accolades chaleureuses et les mixes musicaux réconfortent… On se retrouve alors en plein milieu d’une intrigue qui mixe islam et extrême droite franchouillarde, argent et art, sexe et identité, drogues, mariages et enfants… Un vrai melting-pot romanesque sans queue ni tête, parfois un rien verbeux, mais qui décrit à la perfection une certaine société, celle de ces enfants de la classe populaire qui ont cru aux “lendemains qui chantent”. On se laisse vraiment prendre par cette écriture légère et tranchée. On aime toujours autant. Et l’on est déjà dans l’attente du tome 3. Virgine Despentes, “Vernon Subutex” Tome 2, Grasset, 384 pages, 22 dollars.


